Articles avec le tag ‘écomafias’

2011, crise des déchets à Naples : comment ça marche

Le 28 juin 2011, le Courrier international s’intéresse à la crise des déchets (cf. « l’Italie, ses déchets, son béton, ses mafias ») :
« Ces quinze derniers jours, 2 100 tonnes de déchets ont été incendiées à Naples et dans sa région par des citoyens excédés, libérant d’importantes quantités de dioxine dans l’air, souligne La Repubblica. D’après l’Agence d’hygiène urbaine, la quantité de dioxine serait supérieure à celle d’un incinérateur d’une ville de 55 000 habitants en activité depuis dix ans. La dioxine est particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes – elle peut entraîner des malformations –, les enfants, les personnes âgées et toute personne souffrant de problèmes respiratoires. D’après le journal de gauche, la Camorra serait impliquée dans ces incendies systématiques.. « 

Au mois d’avril 2008, l’émission C’est dans l’air avait traité l’info

Journée de la liberté de la presse : merci Roberto

Aprés Rosaria Capacchione, Roberto Saviano vit sous ecorte pour avoir dénonçer la main mise des clans dans la province de Caserte. En ce jour de la liberté de la presse, rappelons que le crime organisé est le premier prédateur de journalistes (cf.“Crime organisé, main basse sur l’information”) et retour sur un reportage pas présent sur toile jusqu’ici :


 

Archeomafia : le témoignage de Claudia

Claudia, étudiante en archéologie à Amsterdam, accomplit souvent des fouilles en Italie ou en Grèce. Cette année, à Falacrinae (Cittareale) dans le centre de l’Italie, Claudia a découvert l’archéomafia (cf. L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias) :

« Dès le deuxième jour, je prenais des notes quand des personnes arrivent pour soit disant  visiter le site, « la mine patibulaire mais presque ».Le responsable du site nous explique qu’il s’agit un pilleur de tombes : un professionnel. Nous avons alors caché les pièces de monnaie et autres. On lui a fait croire qu’on avait rien trouvé d’intéressant car il serait venu voler la nuit. D’autres étudiants me racontent que parfois ils dorment toute la nuit aux côtés des vestiges pour les protéger ».

Claudia ajoute que  les voleurs ne sont pas tous des professionnels : « Une fois, nous  avons relâché l’attention et mangé un panino pendant une heure. A notre retour, deux femmes du village étaient en train de sortir un vase de terre à l’aide d’un bâton endommageant une strate de fouille« . Enfin, notre archéologue, dans la plus grande tradition hollandaise  universaliste et humaniste, tient à préciser : « cela n’arrive pas seulement en Italie« . Lisez : les voleurs ne sont pas toujours italiens 🙂

Merci Claudia mais en l’occurrence, d’après l’Unesco, 60% du patrimoine archéologique mondial se trouve en Italie et 18% en Sicile. En outre, en Italie quatre mafias contrôlent une partie du territoire (cf.« Archeomafia » dans le Nord de l’Italie?) et surtout une magistrature indépendante qui fait des enquêtes.

Per saperne di piu Pepe Ruggiero/Narcomafie

Gomorra au gouvernement ?

Gaetano Vasallo, « l’entrepreneur  », qui a enterré clandestinement des déchets dans la région de Naples pendant 20 ans, est devenu collaborateur de justice (« repentis »). Dans le livre Gomorra, l’intermédiaire entre les clans et les entrepreneurs du Nord est appelé un stakeholder. Dans le film Gomorra, le personnage de Franco, interprété par Tony Servillo, pourrait incarner Gaetano Vassallo.

Au mois septembre 2008, le  » repenti  » a affirmé que les députés Mario Landolfi (Alliance nationale) et le sous-secrétaire du gouvernement Berlusconi, Nicola Cosentino, étaient des référents du clan des Casalesi.

L’homme politique de Forza Italia, Nicola Cosentino, avait des intérêts dans la société Eco 4 qui récoltait les déchets dans la province de Casal di Principe (région de Naples) et dont le gérant a été assassiné pour avoir parlé à des magistrats ( N°73. Le premier « cadavre exquis » des « ecomafias » ).

Gaetano Vassallo : « Je déclare que j’ai agi pour le compte de la famille mafieuse Bidognetti qui gérait la société Eco4 à travers les frères Orsi. Ces derniers payaient un pot-de-vin de 50 000 euros par mois [au clan nda]. Je peux dire que la société Eco 4 était gérée par les députés Nicola Cosentino et Mario Landolfi… je me suis présenté personnellement pour donner les 50 000 euros comptant à Sergio Orsi et à Cosentino. La rencontre a eu lieu dans la maison du député [originaire de la région nda]. Cosentino a reçu la somme dans une enveloppe jaune et Sergio Orsi m’a informé sur son contenu ».

On comprend pourquoi le nouveau gouvernement n’est pas pressé de mettre en place la Commission parlementaire antimafia.

Voici une vidéo tirée de Biutiful Cauntri

L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias

Au printemps dernier, Naples croulant sous les déchets, le monde ne voyait plus l’Italie comme le pays des musées. Une élection et une compétition de football après, un constat s’impose, l’Italie est le pays des «écomafias».

L’écomafia. Le mot apparaît en 1999 pour désigner les activités criminelles qui portent atteinte à l’environnement. On parle aussi de la criminalité environnementale. Pour l’année 2007, Legambiente, une association pour la protection de l’environnement, estime que les écomafias ont rapporté 18 milliards d’euros, dont plus de 50% aux quatre mafias italiennes. Les écomafias renforcent le pouvoir de la mafia sur son territoire et elles dynamisent leurs liens avec les institutions et avec les acteurs économiques.

«Archeomafia». Le mot désigne les trafics d’œuvres d’art par la mafia qui prélève souvent son butin à la source, sur les sites archéologiques.

«Zoomafia». Les mafieux organisent des courses clandestines de chevaux, des combats de chiens, et gèrent les paris clandestins ainsi que la commercialisation des produits dopants. Quoi de plus ? La zoomafia met facilement en évidence le contrôle mafieux du territoire. Les courses des chevaux se déroulent sur les routes départementales ou sur les plus importantes artères des villes, expressément fermées au trafic. Ainsi, en 2004, une course a même eu lieu sur le périphérique de Palerme !

Le «cycle du ciment». Ce circuit criminel regroupe les constructions sans permis, l’excavation illicite de matériaux de construction, comme le sable ou la terre, et l’infiltration des appels d’offres. En Italie, on commence d’abord par faire construire sa maison sans permis, ensuite on vote pour le centre droit qui promulgue une loi de régularisation. L’annonce de la régularisation incite alors les citoyens à construire sans permis. Et la droite reste au pouvoir…

Le «cycle des déchets» ou l’icône de la criminalité environnementale. Le système économique italien produit chaque année environ 108 millions de tonnes de déchets. Il s’agit de 28 millions de tonnes de déchets domestiques et de 80 millions de tonnes de scories industrielles. Pour la plupart, ces déchets ne sont pas traités. Une seule politique : la mise en décharge. Parfois ils sont emballés en attendant que l’on trouve le moyen de les traiter comme sur la photo.

Les entrepreneurs du Nord ont organisé le traitement illégal de leurs déchets :

– toxiques: ils sont déclassés à un niveau de dangerosité inférieur et sont déposés dans des décharges légales, ou bien ils sont employés comme fertilisants; ils peuvent aussi être abandonnés dans des hangars de propriété inconnue.

– classiques: ils sont déposés dans des décharges illégales. L’Italie en est parsemée. Celles-ci sont en général des carrières dont les entreprises «marrons» se servent pour s’approvisionner en sable, en terre ou en pierre, dans le cadre de cycle du ciment. Les déchets remplacent alors les matériaux de construction. En remplissant ces trous béants avec des déchets, les criminels dissimulent les excavations illégales.

– Enfin, les déchets peuvent être brûlés comme c’est le cas, notamment, en Campanie. La culture de l’illégalité étant généralisée en Italie, les dirigeants d’entreprises publiques se débarrassent aussi de leurs déchets avec l’aide de la mafia. Les écomafias sont un parfait exemple de convergence entre les mafias, les milieux économiques et des secteurs de l’administration.

Un cas d’école. La région de Naples est la plus peuplée d’Italie. Le tri sélectif s’élève à moins de 5 %. Les décharges publiques sont saturées. Les compagnies de ramassage des ordures sont souvent aux mains des clans de la Camorra bénéficiant d’un réseau de complicités. Les entreprises de la Camorra vont chercher les déchets du Nord et les déversent dans des décharges légales et illégales. Un repenti de la Camorra napolitaine déclarait devant la commission parlementaire antimafia : «Les ordures valent plus que l’or.»

Dans l’arrière-pays napolitain, seul le clan contrôlant sa zone a le droit de déverser des déchets. Celui qui le ferait sans l’autorisation de la famille mafieuse serait puni de mort. Ainsi à Ponticelli, le clan Sarno sous-traitait les écomafias à la communauté rom. Le clan faisait payer le pizzo, l’impôt mafieux, aux Roms pour les autoriser à habiter des baraques de fortune. Les mafieux permettaient aux Roms de faire le tour des petites entreprises pour récupérer les matériaux polluants età les en débarrasser contre une dizaine d’euros.

Le clan des Casalesi a recouvert la province de Caserta de décharges illicites. Désormais, de grandes quantités de déchets, surtout liquides et inflammables, sont brûlées pendant la nuit, libérant de la dioxine dans l’atmosphère. Nombre d’animaux des fermes environnantes ont été empoisonnés par les retombées chimiques. Les instances sanitaires ont fait abattre les animaux et ont retiré du marché les produits afférents à leur exploitation.

Biutiful cauntri. C’est un documentaire choc qui sort aujourd’hui dans les salles françaises (1). On y voit l’arrière-pays napolitain saturé de décharges. Il illustre le problème national de sécurité et de santé publique posé par les écomafias. En effet, le taux de cancer dans l’arrière-pays de Naples est le plus élevé d’Italie.

Les caméras d’Esmeralda Calabria, la réalisatrice, filment les camions venus du Nord pour décharger des scories industrielles
sur des terrains fertiles. A l’aide d’écoutes téléphoniques, on peut entendre le cynisme d’une criminalité en col blanc qui fait alliance avec les mafieux sur l’autel de la rentabilité. Dans une scène-clef du film, un militant pour l’environnement demande à visiter une décharge publique. Le vigile lui refuse l’entrée au motif qu’il s’agit d’une propriété privée !

Et pourtant, on garde espoir. Raffaele del Giudice, le Don Quichotte du film, démontre que la société napolitaine dispose
d’anticorps pour sortir de cette situation, mais la volonté politique manque…

« Archeomafia » dans le Nord de l’Italie?

Le 8 juillet 2008, dans le cadre de l’opération « Metallica », la Direction des enquêtes antimafia (DIA) de Milan a procédé à l’arrestation de 24 personnes dont 6 d’entre elles sont accusées d’association de malfaiteur de type mafieux. Les arrestations ont eu lieu dans toute l’Italie. La DIA a aussi saisi plus de vingt tableaux de maître. Parmi les tableaux se trouverait un Modigliani représentant le visage d’une femme. Les autres tableaux dateraient du 17ème et du 18ème siècle et ils seraient l’œuvre de peintres espagnols et italiens. Il y aurait aussi une nature morte de l’auteur flamand Snyders et un « Vase de fleurs » de Bosschaert le vieux. Le dernier tableau aurait été acheté entre le mois d’août et le mois de décembre 2007 par un membre de la ‘Ndrangheta pour une valeur 700 000 euros, cash ! On peut voir la photo de la transaction prise par les carabiniers lors d’une planque (Corriere della sera).
Les clans de la ‘Ndrangheta qui accumulent de l’argent en pratiquant l’usure, l’extorsion et le trafic de drogue (1,5 kilos de cocaïne pure à 98% ont été saisis) réinvestissent dans l’achat d’œuvre d’art.

Pour l’instant, cet article est situé dans la catégorie « présence mafieuse dans le Nord ». Cependant, si les tableaux se révèlent être volés, l’article passera sous la rubrique «écomafias». En effet, les atteintes au patrimoine culturel sont nommées « archeomafia » et elles font partie des activités criminelles qui portent atteinte à l’environnement, les «écomafias».

PS : « Mettalica » parce que les mafieux rackettaient des entrepreneurs lombards qui avaient des sociétés de métaux…


« Pauvre » Saviano

L’auteur du livre « Gomorra », Roberto Saviano est condamné à mort par le clan des Casalesi (art. 18 ). Les Casalesi sont un cartel de clans qui règnent en maître à Casal di Principe, dans l’arrière pays de Naples (art. 53). Pour sa sécurité, le journaliste, philosophe de formation, vit sous protection policière permanente dans des lieux tenus secrets.
Avril 2008, pendant un mois, il a tenté de louer un appartement dans le quartier de Vomero à Naples. D’après le quotidien il Mattino, un groupe de locataires voisins a refusé la présence du journaliste menacé de mort par la mafia.

En Italie, une importante partie de la population est « gênée » par les personnes qui luttent contre la mafia. Déjà, dans les années quatre vingt, les voisins du juge Falcone se plaignaient du va-et-vient des voitures de police de son escorte. A Naples, on préfère être racketté et crouler sous les ordures plutôt que de vivre avec un homme courageux à ses côtés. En effet, la peur est omniprésente. Ce type d’acte au quotidien constitue une victoire pour la mafia.
C dans l’air avril 2008, 1 minutes 36 secondes sur Saviano :

Ecomafia à Gela

On nomme, de manière générale,  « écomafia », les activités des mafias qui altèrent l’environnement. Cette semaine, la Garde des finances a saisi les actes de la procédure d’un appel d’offre concernant la récolte et le traitement des déchets à Gela. Gela est une ville côtière en Sicile orientale dont on peut voir une photo aérienne à gauche.
Le marché public en question avoisine les 22 millions d’euros. Une seule entreprise avait concouru à cette adjudication. Elle l’avait remporté en proposant un prix de 0,1 % inférieur à celui demandé par l’administration. Rosario Crocetta (cf. Rosario Crocetta obsède la mafia), le maire ouvertement antimafia de Gela et le nouveau sénateur du Parti Démocrate de gauche, Giuseppe Lumia, ont demandé l’ouverture d’une enquête pour infiltration mafieuse.
D’après l’association Legambiente, les « écomafias » représentent, pour les mafias italiennes, 23 milliards d’euros de chiffre d’affaire par an. Ce chiffre ne concerne que les déchets non déclarés. A ces 23 milliards s’ajoutent les gains des sociétés de récolte et de traitement des déchets qui sont proches des clans.

De la mafia et de la politique

Le 12 avril 2008, les carabiniers procédent à l’arrestation de 15 personnes liées à la cosca des Mazzarroti. La famille mafieuse de Barcellona Pozzo di Gotto contrôle une partie du territoire Nord de la province de Messine. En théorie, cette famille est commandée par Carmelo Bisognano, un « ancien » qui a permis à des sociétés qui lui sont proches de remporter d’importants appels d’offre. Les marchés publics concernaient la gestion des décharges publiques et la construction d’une deuxième voie ferrée sur la ligne qui relie Messine à Palerme.
En 2003, dans le cadre de l’opération « Icare », le vieux chef est emprisonné. Progressivement, le sous-chef Tindaro Calabrese ne respecte plus les ordres venant de son supérieur en prison. Tout d’abord, il scelle des alliances à la puissante cosca Santapoala de Catane et rackette de nouvelles entreprises. Puis, il impose ses propres entreprises pour effectuer des contrats de sous-traitance aux entreprises qui avaient
remporté les appels d’offre. Ceux qui ne respectaient groupe en question ont subi des attentats à la dynamite, ce qui alerte les forces de l’ordre. Au mois de juin 2005, il aurait fait incendier sept bétonnières de la société « Mediterranea costruzioni srl» qui réalise la consolidation de la galerie ferroviaire de Valdina.
Ces faits attirent l’attention des forces de l’ordre. A l’aide d’écoutes téléphoniques, de micros et de caméras, les carabiniers comprennent que deux sous-chefs, Tindaro Calabrese et Carmelo Salvatore Trifirò, prennent le contrôle de la cosca. Tindaro Calabrese, aurait complètement dépossédé son chef de la gestion des décharges publiques de Mazzara Sant’Andrea et Tripi, qui étaient depuis une dizaine d’années aux mains de vieux boss. Le 22 août 2007, un des entrepreneurs proches du chef emprisonné est assassiné. C’est le coup de grâce qui officialise un changement de génération.
La « nouvelle » cosca
Mazzaroti tente d’obtenir de nouvelles adjudications de marchés publiques ; de la pose de fibres optiques pour le compte des communes, aux contrats de terrassement et à la fourniture de matériaux de construction de voie routière. Enfin, l’autre business des Mazzarrotti est le traitement des déchets dit « spéciaux » par exemple ceux provenant de la transformation des agrumes. Des sociétés de transports complices émettent des faux certificats de traitement puis déversent les déchets organique sur des terrains domaniaux. Parfois, ces déchets étaient revendus pour devenir des engrais.

  Conclusions :

  • Les mafieux ne respectent pas les « Anciens ».
  • Les marchés publics enrichissent les familles mafieuses (art 30).
  • Les activités de la mafia dégradent l’environnement, cela s’appelle les « écomafias ».
  • Les chefs mafieux emprisonnés arrivent à communiquer avec leurs soldats dehors.

        Quelques indications pour faire son choix politique :
Pour la première fois, la mairie de Rome dirigé par Walter Weltroni a détruit des constructions illégales symboles des écomafias. A contrario, le gouvernement Berlusconi (2001-2006) a réduit la portée du régime carcéral prévu pour les chefs mafieux. Ces derniers font pression sur les candidats de centre-droit pour abolir ce régime strict.

Élections législatives jusqu’à 15h, le lundi 14 avril.

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