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La ‘Ndrangheta comme Al Quaida?

D’après les services de renseignements italiens, nouvellement baptisés AISE et AISI (cf.Les services de renseignement italien et les mafias), la ‘Ndrangheta serait la mafia la plus dangereuse pour trois raisons. Elle est une mafia souple, riche et capable de s’attaquer à l’Etat italien par le bais d’actes subversifs.
Cette analyse est à mettre en relation avec un autre rapport ; celui de la Commission parlementaire antimafia (Cpa). Publié le 20 février dernier, ce rapport affirme que la mafia calabraise possède un structure tentaculaire privée de direction stratégique mais caractérisée par “une sorte d’intelligence organique qui est comparable à Al Quaida”. On comprendra que les organisations transnationales les plus adaptées à la mondialisation sont celles dont la structure se révèle souple. La mafia calabraise est une mafia dotée d’une grande puissance financière qui lui permet de s’insérer dans l’économie, en particulier dans les domaine de la construction des routes, de la santé, de l’agro alimentaire, du tourisme et des activités économiques dans la plaine de Gioa Tauro.
Ces deux conditions et une tradition historique subversive, la rendent capable d’actes de terrorisme contre l’Etat. Rappelons qu’en 2005, la Direction d’enquête antimafia (DIA) avait déjoué un projet d’attentat contre un magistrat et que la ‘Ndrangheta a assassiné le vice-président de la région calabre (voir n°1).
Enfin, il convient de mettre en parallèle ces données avec la dernière arrestation à Bari dans les Pouilles. Les magistrats de la direction provinciale antimafia ont arrêté des mafieux de la Sacra Corona Unita. Les écoutes téléphoniques faisaient état de jeunes prêts à tout pour sauvegarder le clan ; “ prêt à faire le kamikase ”!


Cosa nostra s’engage-t-elle, à nouveau, sur la voie du terrorisme ?

carte mafia sicileAprès avoir opté pour une stratégie terroriste de 1992 à 1993 sur l’ensemble du territoire italien1, Cosa nostra a subi d’importants effets « boomerang », comme celui de la réaction des autorités2 et celle du phénomène des repentis (cf. 12 janvier 2002, un étudiant et un colloque sur les attentats de 1992-1993). Depuis lors, la mafia sicilienne a opté pour une autre stratégie, celle de « l’invisibilité » sous le commandement symbolique de Bernardo Provenzano « en cavale » depuis 40 ans3. Cependant, des événements récents pourraient conduire à la fin de cette pax mafiosa.

Dans la soirée du 29 octobre 2005, les forces de l’ordre 4 ont arrêté deux membres de la mafia de Gela dans le Sud de la Sicile, parce qu’ils préparaient un attentat contre le juge Ottavio Sferlazza. D’après les enquêteurs, le plan était dans sa phase conclusive puisqu’il était question d’utiliser une grosse quantité d’explosif sur la route Caltanissetta-Gela, empruntée quotidiennement par le magistrat.

Le premier élément d’analyse réside dans l’importance de la cible. Sferlazza était jusqu’il y a peu président de cour d’assise dans de nombreux procès concernant précisément l’assassinat de juges5 . Le plus célèbre demeure celui du massacre de Capaci6 contre le juge Falcone en 1992. Ottavio Sferlazza, est réputé pour sa grande sévérité, car il a condamné de nombreux chefs mafieux, en particulier ceux de Gela. Or, les deux mafieux arrêtés, Salvatore Azzerello (29 ans) et Paolo Palmeri (38 ans7 ), appartiennent au clan Rinzivillo de Gela, ce dernier étant même considéré comme le « gérant » de cette famille mafieuse.

Le magistrat a été placé sous haute protection et des perquisitions sont en cours afin de découvrir quels autres membres de l’organisation ont projeté l’attentat. En outre, l’affaire est suivie de près par la Direction nationale antimafia (DNA)8 , car un élément est particulièrement inquiétant. En effet, le plan a été révélé par un commerçant non connu des services de police qui, après avoir été ruiné par le racket, a été recruté pour préparer l’attentat. Utiliser des personnes extérieures à l’organisation pour commettre un délit mafieux aussi important est une démarche rare et peu sûre. Ces événements en sont la preuve. Ce mode opératoire tend à démontrer qu’il s’agissait d’un acte de vengeance local qui n’avait l’aval de la hiérarchie. Or, la famille Rinzivillo est sous le contrôle du « boss » Piddu Madonia, fidèle allié du chef de Cosa nostra, Bernardo Provenzano, celui la même qui a opté pour une organisation « souterraine ».

Par conséquent, si le clan Rinzivillo a opéré avec « l’autorisation », nous sommes en présence d’un changement de stratégie historique. En revanche, si le clan a agi de sa propre initiative, il a pris le risque de provoquer des tensions au sein même de l’organisation. Les mafias sont caractérisées par la notion de contrôle de territoire. Puisque l’attentat devait avoir lieu entre Caltanissetta et Gela, dans le centre de la Sicile, une région discrète mais à forte densité mafieuse, il fallait l’assentiment des familles sous peine de déclencher une guerre de mafia.

Par ailleurs, cette tentative d’attentat arrive après le meurtre de Maurizio Lo Iacono9 à Particino, à 30 km de Palerme, le 4 octobre 2005. Maurizio Lo Iocono, chef mafieux émergent de 34 ans, récemment sorti de prison, profitait de la crise de la famille de Vito Vitale10 pour étendre son influence. Les enquêteurs pensent logiquement que le clan Vitale a fait tuer l’entreprenant Lo Iacono. Cependant, la victime était un proche de Bernardo Provenzano, ce qui peut faire penser, non pas à un simple règlement de compte, mais à une rupture de l’équilibre qui anime la pax mafiosa des dix dernières années.

Enfin, le 16 octobre 2005, le vice-président de la région Calabre a été assassiné par des hommes de la ‘Ndrangheta, l’organisation criminelle de type mafieux calabraise (cf. L’assassinat du vice-président de la régio calabraise : un meurtre politico-mafieux). Si les deux évènements de Sicile et de Calabre n’ont pas de rapport direct entre eux, ils sont à intégrer dans une réflexion plus large sur le contexte politico-mafieux italien à l’approche des élections législatives d’avril 2006.

Ainsi, en dépit des nombreux succès des forces de l’ordre11 , il semble une fois encore que la partie contre la mafia se joue à Rome.


  • 1Cf. Fabrice Rizzoli, « L’Etat italien face au terrorisme mafieux », Actes du colloque « Etat et terrorisme », Démocraties, 12 janvier 2002, publiés aux éditions Lavauzelle, collection Renseignement et guerre secrète, p. 45.
  • 2Arrestations des principaux chefs corleonais : Salvatore (Toto) Tiina, Leoluca Bagarella, etc.
  • 3Mais qui s’est fait opérer en France l’année dernière.
  • 4Le mandat été émis par le procureur Francesco Messineo, le substitut Roberto Di Natale, les magistrats près la Direction provinciale antimafia Nicolo Marino et Antonino Patti. Les arrestations ont été effectuées par la police de Caltanissetta et de Gela.
  • 5Chinnici, Antonino Saetta et le capitaine de carabiniers Emmanuelle Basile.
  • 6Le 23 mai 1992, entre Palerme et l’aéroport de Punta Raisi, à la hauteur de la ville de Capaci, 550 kilos d’un mélange de TNT et de nitroglycérine caché sous une conduite d’eau souterraine explosait sous la chaussée de l’autoroute !
  • 7Propriétaire d’une entreprise de transport, a déjà été condamné pour extorsion, trafic de cocaïne, d’héroïne et de marijuana.
  • 8La DNA a un nouveau procureur Pietro Grasso et c’est la polémique car le gouvernement Berlusconi a tout fait pour empêcher la nomination d’un autre procureur bien plus expérimenté en la matière : Gian Carlo Caselli, ex-procureur de Palerme.
  • 9Fils de Francesco Lo Iacono, vieux mafieux de premier ordre du capomandamento (canton au sens mafieux) de Particino.
  • 10Vito Vitale est depuis longtemps en prison avec ses frères et ses soeurs dont une (Giusy) est devenue collaboratrice de justice.
  • 11Arrestation de deux chefs, un de Cosa nostra (Umberto di Fazio du clan Santapaola de Catane) et un de la ‘Ndrangheta (Sebastiano Strangio arrêté au Pays-Bas) au mois d’octobre.
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