Mort de Toto Riina : l’ancien parrain de la mafia était « totalement protégé » par la démocratie chrétienne

Invité de franceinfo, Fabrice Rizzoli, spécialiste du crime organisé, est revenu sur le parcours de l’ancien chef de la Cosa Nostra, mort vendredi, en prison. Il rappelle que « les mafieux italiens ne sont rien sans leurs complicités politiques ».

 

Salvatore Toto Riina est mort vendredi 17 novembre. L’ancien chef suprême de Cosa Nostra était emprisonné depuis son arrestation en janvier 1993. Invité de franceinfo vendredi 17 novembre, Fabrice Rizzoli, spécialiste de la mafia italienne et du crime organisé, revient sur le parcours de l’un des parrains les plus redoutés de l’histoire de la mafia sicilienne.

franceinfo : Toto Rina nous replonge dans l’Italie des années 80-90, était-ce le parrain par excellence ?

Fabrice Rizzoli : Vous avez raison, c’est surtout l’histoire de l’Italie qui remonte à nous, l’histoire de 50 ans de gouvernance de la démocratie chrétienne qui, en fait, s’est servie des mafias pour évincer les communistes et faire une certaine politique. Toto Rina prend le pouvoir en 1982 et, pendant dix ans, va commettre, commanditer 1 000 assassinats. Il a 120 condamnations aujourd’hui. En 2012, il a encore été condamné à vie pour un assassinat à Milan il y a trente ans.

Comment a-t-il fait pour avoir autant de pouvoir et aussi longtemps ?

Précisément parce que les mafieux italiens ne sont rien sans leurs complicités politiques. Bien qu’il [Toto Rina] était un paysan de Corleone, d’une famille pauvre, il avait déjà un oncle dans la mafia. Une fois passé le vol de bétail, il est rentré dans le business de l’économie légale du bâtiment puis le trafic de drogue. Il est surtout devenu indispensable aux politiciens pour gouverner d’abord la Sicile puis un peu le reste de l’Italie pour que la démocratie chrétienne reste au pouvoir. Comme par hasard, il est arrêté en 1993, une fois que le mur de Berlin est tombé, quand toute cette période s’est finie, quand on avait plus besoin de lui, quand la démocratie chrétienne n’existait plus. Il était totalement protégé. Il avait déjà été arrêté dans les années 60. Il a fait sept ans de prison à l’âge de 18 ans. A plus de 20 ans, il a fait encore plus de six ans de prison, mais il n’est pas condamné en 1969 à Bari lors de son procès, car les témoins ont été achetés. C’est ce qui me fait dire qu’à l’époque c’était possible parce qu’on avait besoin de lui. A partir de la fin des années 80, ses protections sont tombées et il est parti pour 30 ans de prison et c’est une autre mafia qui arrive au pouvoir.

Toto Riina doit-il sa chute à sa cruauté ?

Je n’y crois pas car sa cruauté était déjà énorme dans les années 80. Il posait des bombes pour tuer des magistrats, il faisait tuer ses victimes une demi-heure avant le journal télévisé, car il savait que la mort d’un rival allait être repris en boucle. Et comme la violence est un langage, tout le monde savait que le chef de Cosa Nostra avait fait tuer untel. Il avait déjà fait tuer des fils de repentis. Mais c’est vrai que les assassinats [des juges antimafia Giovanni] Falcone et [Paolo] Borsellino à la bombe ont eu un retentissement énorme. Je crois que c’était la fin d’une histoire, la fin de la démocratie chrétienne qui est restée au pouvoir pendant des années. La magistrature a démontré que [Giulio] Andreotti, [qui a été notamment président du Conseil], l’homme le plus puissant de la première République italienne était complice de la mafia. C’est écrit dans une décision de justice.

 

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