Articles avec le tag ‘« repentis »’

Tout cela pour vous parler de mafia et politique…

En ce 14 juillet 2002, tous les capi-mandamenti, les chefs d’une circonscription mafieuse regroupant au moins trois familles de la province d’Agrigento (3ème province mafieuse après Palerme et Trapani) sont réunis  à Santa Margherita Belice. Il s’agit de nommer un nouveau chef de province aprés l’arrestation de Calogero Di Caro, boss de Canicatti. Il y a un favori en la personne de Maurizio Di Gatti soutenu par Antonino Giuffré (numéro 2 de Cosa nostra à l’époque ) mais affaibli par l’arrestation de Giuffré le 17 avril 2002). Ainsi, la réunion déclare Giuseppe Falsone (cf. Arrêté grâce aux écoutes… il se cachait à Marseille) nouveau capo della provincia car il est soutenu par Bernardo Provenzano, le « number one » de l’époque (cf. L’arrestation du chef de la mafia : une victoire à point nommé ).

La réunion est à peine terminée quand la police commence à faire irruption dans la demeure. Comme à Apalchin en 1957, les chefs mafieux s’envolent tels des moineaux. Maurizio Di Gatti, le perdant et Giuseppe Falsone le vainqueur sont partis un peu avant la fin réunion. Ils ne sont pas dans les mailles de la police.

En dépit de sa liberté, le vaincu Maurizio De Gatti a peur. Il faut dire que pendant un an, il agit comme  le futur chef de province car Antonino Giuffré a fait croire à toutes les familles d’Agrigento dans le dos de Bernardo Provenzano (affaibli par une mauvaise prostate qu’il se fera retirer en 2003 en France…) que le grade de Maurizio de Gatti avaient été décidé par Provenzano lui même (vous avez du mal à suivre…). c’est pas grave moi aussi 🙂 ).  Maurizio De Gatti a perdu le poste mais passe aussi pour un menteur, un traître (au sein de cosa nostra le mensonge est interdit…) sent qu’il est un cadavre ambulant. Plus les années passent plus il  pense qu’il va être assassiné d’autant plus que son soutien, Antonino Giuffré, a décidé de collaborer avec la justice (cf. MafiaS et trahisonS au regard des sciences sociales)

Naturellement, une fois arrêté en décembre 2006, Maurizio Di Gatti devient un collaborateur de justice et non pas un « repenti » puisqu’il ne se repent de rien. Il collabore car il a peur de mourir. Il est dans un cul de sac, celui de la mafia et de sa violence programmée. En revanche, sa collaboration doit être totale. A telle enseigne qu’il dénonce ses frères  comme était membre de Cosa nostra ; l’un d’entre se suicide en prison fin décembre 2006!

Sa collaboration, pleine, évoque le rapport entre mafia et politique. Selon le collaborateur de l’état de droit, Maurizio De Gatti, le conseiller régional Michele Cimino aurait détourné des fonds publics pour la construction d’un très grand centre commercial à Castrofilippo “Le Vigne”, le long de la route nationale 640 reliant Agrigento à  Caltanissetta. Il aurait aussi assuré son élection en 2006 grâce aux voix des familles mafieuses, qui, en échange, auraient obtenu des appels d’offre concernant la construction en question ; décidement les centres commerciaux… (cf. Vengeance transversale ou conséquence de la mondialisation?).

Nous sommes en présence d’un paradigme concernant les rapports entre la mafia et le politique cad des voix contre des appels d’offre.

Au mois de septembre dernier, le député Michele Cimino est arrêté et au début du mois de novembre, c’est au tour de son père qui servait d’intermédiaire entre les familles mafieuses et son fils le politicien…. une affaire de » famille ».

PS : le fils politicien, le père entrepreneur et le mafieux forment un corps social criminel (cf. « Bourgeoise mafieuse ».

Le Vatican et la mafia : le compte n’y est pas!

En visite en Sicile, le Pape Ratzinguer a déçu les militants antimafias (article du Point). Et pour cause, il a joué un petit jeu qu’on connait bien dans le milieu de l’antimafia, il a parlé de « crime organisé » au lieu de « mafia ». Cela relativise  l’importance du péhénomène mafieux. A contrario du crime organisé, la mafia conditionne fortement la population (cf. Les ‘ndrines et le consensus social).

Les mafieux adorent le relativisme. Ils se baladent dans les cafés et disent « Ma! Nous, on n’est pas le crime organisé, on est la justice et l’honneur... »

Les mafieux ne s’y sont pas trompés. En représailles de ce timide discours, ils ont « juste » posé une bonbonne de gaz  devant le centre Padre Nostro à Palerme. Ce centre implanté à Brancaccio (cf. Une BD pour comprendre le phénomène mafieux a été créé par le Père Pino Puglisi assassiné en 1993 par le clan Graviano (les frères Graviano commandent toujours sur le territoire en dépit de leur incarcération au régime 41 bis du code de procédure pénal…). Ils l’ont assassiné précisement parce qu’il renversait le consensus social qu’accordaient les jeunes aux mafieux au profit de la légalité, de l’école…

A contrario, en 1993, Jean Paul II avait pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise condamné fermement la mafia et inviter les mafieux à se « convertir à la loi de dieu » . Au moment même ou les mafieux devenaient en masse des « repentis » (des collaborateurs de justice) ; – de « convertitevi » à « pentitevi« , il n’y avait qu’un pas sémantique que les mafieux n’ont pas accepté. En représailles, les mafieux déclenchèrent la terreur avec trois bombes contre des édifices religieux (cf. 12 janvier 2002, un étudiant et un colloque sur les attentats de 1992-1993).

Pour me faire comprendre, voilà ce que devrait dire l’Eglise pour être en harmonie avec la lutte antimafia :

« La mafia est contraire aux lois du Christ et à celle de l’état de droit, repentissez vous puis collaborez avec la justice (cf. Eglise et mafia)« 

« Victor : nettoyeur »

« Les cochons dévorent rapidement les corps à condition de les mettre à la diète pendant une semaine« 

calabre racket ciment mafia

Contrôle du territoire

Depuis 2001, un tueur de la ‘Ndrangheta collabore avec la justice. Il est donc un collaborateur de justice et non un « repenti » puisqu’il ne se repent de rien. Il change de vie et passe du côté de la légalité et de l’état de droti. Cela se révèle utile car depuis 2001, on connaît les secrets des ‘ndrines (familles mafieuses calabraises) de Cosenza (cf. Opération Terminador).

Entre 1998 et 2000,  des chefs de famllies de la zone décidèrent de s’unir en confédération  afin de se répartir les appels d’offre de l’autoroute A3 (en photo) et de faire le mènage. La nouvelle stratégie avait obtenu l’aval de la ‘ndrine Mancuso de Limbadi très influente dans la région (cf. ‘Ndrines, armes et contrôle du territoire). Il s’agit encore d’une information précieuse obtenu grâce  à un colloborateur de justice, le « contabile » (« comptable » de l’organisation en question).

Les ‘ndrines faisaient appel à des tueurs professionels. En 2000, le tueur collaborateur de justice en question a participé à un massacre à la kalashnikov sur la place d’un village (deux morts et un blessé). En 1998, il avait assassiné un jeune vendeur de drogue « nommé Chiarello » puis l’avait découpé en morceau à la hache. Le soldat de la mafia était devenu « un ange de la mort » capable de désosser les cadavres, les dissoudre dans l’acide ou de les faire rôtir dans des barils de naftaline. Mais le meilleur moyen de ne pas laisser de trace était l’utilisation des cohons!

« Ils mangent tout y compris les cheveux, en une demi heure, il ne reste plus rien« .

Heurseusement que « Victor le nettoyeur » (Nikita) est devenu collaborateur…

Fait à partir de l’article d’Arcangelo Badolati de la Gazzetta del sud

Article sur les femmes et la mafia

Les femmes et la mafa, article paru dans FEMMES 3000 mars 2010, numéro 40, sur le net (Femmes 3 000)

Les mafias italiennes sont toutes des sociétés machistes. Et pourtant, les femmes y sont de plus en plus nombreuses à faire parler d’elles. Si certaines se font plus mafieuses que les mafieux, d’autres se rebellent contre le système, faisant montre d’un courage hors du commun. Exploration de ces sociétés glauques avec Fabrice Rizzoli*.

« Une approche des femmes au sein de la mafia,met d’emblée en évidence trois catégories : les épouses traditionnalistes, qui sortent de l’ombre pour accomplir de plus en plus de tâches au profit de la mafia ; les femmes chefs de clan, rares encore ;  les femmes devenues collaboratrices de justice, terme improprement traduit par ‘repenties’, explique Fabrice Rizzoli.

« Tout mafioso se doit d’être marié et d’avoir des enfants, des garçons de préférence. L’épouse traditionnelle parfaite est celle qui ‘sert, obéit, ne voit rien, ne dit rien, mais sait tout’, pour paraphraser Claude Ducouloux-Favard**. Un rôle moins passif qu’il n’y paraît, car, les hommes étant le plus souvent  ‘au-dehors’, elles ont tout pouvoir sur les enfants auxquels elles transmettent les codes culturels mafieux : se défier de l’État et de la Justice, conférer le privilège du pouvoir aux hommes, savoir garder le silence, ne jamais transgresser l’omertà, savoir exercer la vengeance. Bien des femmes de mafieux restent attachées à cette culture qu’elles ont inculquée à leurs enfants. Certaines d’entre elles – appelées les ‘veuves noires’ en Campanie – n’hésitent pas à organiser une ‘vendetta’ pour venger leur homme ou un fils assassiné. Et beaucoup se désolidarisent de leur mari ou de leurs fils quand ils passent dans le camp des collaborateurs de justice. Pour se protéger d’éventuelles représailles, peut-être, mais par fidélité à leur mode de vie aussi, sans doute.

« Car elles sont de plus en plus actives dans le monde criminel. Ainsi, les femmes prennent soin des hommes en cavale, qui sont de plus en plus nombreux, compte tenu de l’amplification de la lutte anti-mafia en Italie. Ce sont elles aussi qui véhiculent la drogue. Il faut savoir que, dans les années 70, jamais un policier américain n’aurait fouillé au corps une Sicilienne, courrier de la Cosa Nostra, toute de noir vêtue. Maintenant, il y a des femmes-policiers, ce qui change la donne… Ce sont elles également qui, à Naples ou à Palerme, transportent les armes lors des règlements de comptes. Souvenez-vous, de cette première scène du film Gomorra, un contrat dans un salon de beauté : les armes des tueurs sont déposées dans le sac de la jeune fille, leur complice, ce qui limite les risques de fouille. Et puis, quand les hommes sont en prison et qu’il s’agit de ‘boss’, ce sont les femmes qui font circuler l’argent, qui prennent les ordres et les répercutent sur leur territoire. Car il faut bien que ‘le business’ continue !

« Comme il y a de plus en plus de mafieux en prison, comme certains boss sont à l’isolement, ces femmes en viennent à prendre des initiatives, y compris celle de donner l’ordre de tuer, comme des écoutes téléphoniques en apportent la preuve. Ces femmes qui prennent le pouvoir sont filles ou sœurs d’un boss, plus rarement une épouse ».

[Les femmes chefs de clan sont rares encore. « Mais terribles ! », rapporte Claude Ducouloux-Favard dans son livre. Ont beaucoup fait parler d’elles : Angela Russo, dite ‘Nonna Eroina’, la mamie de l’héroïne, organisatrice d’un trafic à 80 ans ; Anna Maza, veuve d’un boss, entourée d’un staff entièrement féminin, protégée par des femmes gardes du corps. Le clan d’Anna Maza était plus préoccupé de bien gérer ses « entreprises » que de prendre le pouvoir sur d’autres clans. Mais ses membres ont eu recours au crime quand il leur a fallu se préserver de réseaux concurrents, tous masculins. En 2008, aucune des femmes chefs de clan arrêtées, n’était devenue collaboratrice de justice, contrairement à bien des hommes.]

« Enfin, poursuit Fabrice Rizzoli, il y a des femmes battues par leur mafioso, des femmes trompées, alors que le code de la mafia impose qu’une épouse soit respectée et que sur le territoire où il exerce, on ne doit pas connaître de maîtresse à un mafioso. Il y a des filles qui se sentent dépréciées par rapport à leurs frères parce qu’on ne leur laisse pas accéder à des études supérieures alors qu’on pousse les garçons. Il y a des femmes qui ne supportent plus l’accumulation des deuils autour d’elles. Il y également des épouses amoureuses de leur mafioso et qui ne se détournent pas de lui lorsqu’il passe dans le camp des collaborateurs de justice. En bref, pour des motifs de révolte divers, des femmes sortent de la mafia en se plaçant sous la protection de la Justice avec laquelle elles acceptent de collaborer.

« Une telle démarche représente une rupture totale avec la famille, le milieu, l’obligation de changer de nom, de devenir une autre. Si Margherita Gangemi et son mari, Antonio Calderone, un repenti, ont fini par se rejoindre aux États-Unis pour commencer une vie nouvelle, la jeune Rita Adria s’est suicidée, éperdue de solitude, après l’assassinat du juge Paolo Borsellino, un drame qui a servi de trame au film La Sicilienne. cf. La Sicilienne rebelle


[Rappelant le cas de Margherita Gangemi, Claude Ducouloux-Favard rapporte que le juge Giovanni Falcone se trouvait pour la première fois face à une Sicilienne, épouse d’un mafioso, attachée à son mari auquel elle se montrait soumise, mais également en opposition au monde de la mafia. Et cette universitaire ajoute : « le juge réalisait que 1968 était passé par là et que des femmes pouvaient défier la mafia ».]

« Sans nul doute, la lutte exemplaire de l’Italie contre la criminalité organisée, avec, surtout, confiscation des biens des mafieux, réduit le pouvoir d’intimidation de ces derniers et favorise le développement d’une résistance jusque dans la société civile », tient à souligner Frabrice Rizzoli. Il faut relever à ce propos, l’action de trois femmes, Giovanna Terranova, Caterina Mancusa et Rita Costa, veuves de juges assassinés : elles ont été à l’origine d’une pétition officielle contre Cosa Nostra qui, en 1980, a recueilli environ 30 000 signatures en Sicile. Dans la foulée de ce succès, a émergé la première association de femmes à Palerme : l’Associazione donne contro la mafia. Des femmes qui, dans la société civile, ont su vaincre la peur.

Monique Raikovic

*Fabrice Rizzoli, Docteur en Sciences politiques, a consacré sa thèse à l’étude des mafias italiennes (cf.Mafias italiennes et relations internationale)

**Claude Ducouloux-Favard – « La Mafia italienne – Des vergers d’agrumes aux marchés globalisés »,, éd. Arnaud Franel- avril 2008. (cf. Le livre pour les étudiants)

Tir aux pigeons ou violence programmée?

Le 24 novembre 2009, des mafieux calabrais se rendent à l’hôpital en fourgon cellulaire de la prison de Palmi pour le tribunal de Reggio (voir carte à gauche) quand tout à coup, les deux mafieux sortent des pistolets et tentent de s’échapper.
Il s’en suit une lutte. Deux coups de feu atteignent les agents de la pénitentiaire. Ils sont blessés au pied et à la jambe mais les mafieux retournent en prison. Une enquête est en cours pour savoir comment des détenus de cette dangerosité ont pu se procurer des armes à feu.

Les deux mafieux sont les frères Zagari, qui étaient impliqués dans la « faida » (une histoire de vengeance sans fin cf. Fin de la faida de San Luca) de Taurianova au début des années 90.

Grâce à des collaborateurs de justice (appelés à tort des « repentis »), on sait que la faida de Taurianova opposait la ‘ndrine (famille mafieuse calabraise) Asciutto-Grimaldi contre celle des Viola-Zagari. Au cours de la faida, le 3 mai 1991, les Zagari assassinèrent les frères Giovanni et Giuseppe Grimaldi. Ce dernier fut décapité à coups de fusil à bout touchant et sa tête fut l’objet d’un macabre tir au pigeont en pleine rue ; un acte de violence programmée (cf. Violence programmée à Scilla en Calabre)

MafiaS et trahisonS au regard des sciences sociales

Le vendredi 19 septembre, l’équipe du professeur Sebastien SCHEHR organisait un colloque sur la trahison au regard des sciences sociales (voir le programme en cliquant sur le document en PDF ci-contre). La trahison, un thème peu étudié à l’université, fut l’occasion de parler de l’univers mafieux. Voici un résumé de cette intervention :

 

Mafias et trahison(s)

De la trahison à l’état de droit

La trahison étudiée sous l’angle des mafias peut être envisagée de trois manières.

Le mafieux trahit dans la mafia pour obtenir une promotion au sein du clan. Par exemple, le sous-chef tue le chef pour prendre sa place… le dénonce au forces de l’ordre… (le mafieux trahit au sein de son clan pour obéir aux ordres ; un soldat trahit sont partenaire criminel parce que l’ordre lui a été donné de le tuer!)

Par ailleurs, le mafieux trahit au cinéma. Les représentations étant importantes dans la compréhension des phénomènes complexes, on prendra l’exemple célèbre du film le Parrain où la trahison est omniprésente.

Enfin, le mafieux trahit l’organisation toute entière en collaborant avec la justice et l’Etat (le dernier grand chef mafieux « repenti » Antonino Giuffrré en photo) devient un collaborateur de justice, ce que les journalistes nomment par commodité un « repenti ». Dans ce cas de figure, la trahison constitue un apport incontournable de la lutte antimafia.

1. Pour expliquer le processus de trahison chez un mafieux, il faut revenir à la définition de la mafia comme une organisation politique dont la principale ressource est la violence ; une violence systémique qui permet un contrôle panoptique (Michel Foucault) de la population. Une mafia dont la cellule de base est la « famille », régie pas des rites d’affiliation et qui est fondée sur le secret (« omertà » ou loi du silence). Le secret est central dans la politique mafieuse car il s’applique aux affiliés et à la société. Celui qui ne respecte pas le secret est punit de mort (cf. Le premier “cadavre exquis” des “ecomafias”).

2. Le « repenti » ou la figure du traître qui devient un collaborateur de justice.

Le mafieux trahit donc d’abord sa famille pour devenir un citoyen. Le « traître » est alors érigé en système de lutte antimafia pour le compte de l’état de droit ; la preuve qu’il existerait des trahisons heureuses… (cf. Le “repenti” rétablit l’Etat de droit en Italie).

Conclusion :

Désormais, la mafia n’est plus une organisation secrète. Les nombreux livres écrits par les magistrats antimafias sont des sources difficilement contestables.

La trahison des mafieux envers leur ancienne famille d’appartenance est un des meilleurs outils de lutte contre les mafias. Elle est une écharde dans le système mafieux qui a même essayé de créer de faux repentis pour déstabiliser le système (cf.La Sicilienne rebelle).

Le « repenti » trahit la mafia pour devenir un collaborateur de la démocratie et donc un citoyen. Cette mutation nous renvoie à l’idée que l’homme est perfectible, qu’il peut changer, une vision pas toujours la mieux partagée.

Collaborer avec la justice : le choix de vivre

Le 25 mars dernier, sur le marché du quartier San Pasquale de Bari, deux sicaires s’approchent d’Orazio Porro, 53 ans. Ce dernier sort un couteaux mais il est trop tard. Il reçoit trois balles et décède sur le coup. Un clan du centre ville de Bari vient de commettre un acte de « violence programmée » contre un mafieux pris dans ces contradictions. (Voir le cas d’un autre ex-repenti assassiné).
La victime, un mafieux de la Sacra corona unita, la mafia des Pouilles, est un ancien collaborateur de justice, (un mafieux « repenti » protégé par l’Etat). Dans les années quatre-vingt dix, Orazio Porro était le bras droit du boss Guiseppe Cellamare. Tous les deux, acteurs majeurs du trafic de cigarettes transitant par les Balkans. étaient en « cavale » au Monténégro où ils ont été arrêtés.en 1998. Mais avant d’être arrêté, Orazio Porro avait tenté d’assassiner le boss rival et honni Giuseppe De Felice, surnommé « Pinuccio il napoletano ». Pour cette tentative de meurtre, un des soldats d’Orazio Porro fut balafré en prison. Orazio Porro décide, alors, de passer du côté de la légalité. Il témoigne contre son clan au procès. En 2006, la cour d’assise lui retire le droit d’être protégé par l’Etat car ce témoin n’aurait pas tout dit sur un massacre survenu en 1990. Au mois de janvier, de 1990, via Isonzo, trois personnes ont été tuées au cours d’une tentative d’assassinat contre le boss du vieux Bari Antonio Capriati qui s’est servii des trois victimes comme bouclier…). Une fois sorti de prison en 2008, Orazio Porro se serait caché pour se protéger avant de revenir à Bari en 2009. Là, les sources divergent. Soit, il aurait commis une tentative de racket ou bien il aurait été apperçu dans les allées du parquet de Bari, ce qui signifie qu’il voulait être réintégré dans le programme de protection des anciens mafieux (« repentis »).Orazio Porro aurait mieux fait de tout dire. Il serait aujourd’hui, en sécurité, dans une commune du Nord de l’Italie, sous un faux nom et avec sa famille. Depuis 1992, aucun collaborateur de justice sous protection de l’Etat italien n’a été assassiné par la mafia. Orazio Porro aurait pu faire le choix de la vie et de la légalité (Cf. Le « repenti » rétablit l’Etat de droit en Italie ). Ses hésitations lui ont été fatales.
A contrario, l’auteur de l’assassinat de la semaine dernière s’est livré à la police ( Cf. Prison à vie ou exécution sommaire? ). Il a fait le choix de la vie… en prison.
Je dédie cet article à mon frère le « balafré » de Grasse.

Le terrorisme mafieux dans la crise du système politique italien

Analyse géopolitique des relations « politico-mafieuses » après la chute du mur de Berlin,

revue de l’Institut de Recherche de L’European Business school, n°11, 2008

Entre 1992 et 1993, Cosa nostra sicilienne commet pas moins de 7 attentats dont celui de Florence en 1993 (en photo) ; des attentats déjà évoqués le 12 janvier 2002 au cours d’un colloque et qui ont fait l’objet d’une attention particulière dans un article tiré d’un thèse (cf. Mafias italiennes et relations internationales) :

La fin de la confrontation « Est-Ouest », entraîne dans sa chute le « système politico-mafieux » d’après-guerre et la « première République » (1945-1992)1. Au cours de la « deuxième République », les mafias italiennes perdent l’importance qu’elles ont eu sur la scène politique et militaire dans la stratégie américaine du containment visant à empêcher tout pays du monde libre à basculer dans le communisme.

Les années quatre-vingt dix sont d’abord marquées par une confrontation entre la justice, les organisations mafieuses et une partie de la classe politique. De 1992 à 1994, l’Italie connaît une phase d’instabilité politique et économique. De nouvelles lois, un relatif renouveau de la classe politique amène à penser qu’une « seconde République » est née. Ce contexte permet une offensive des magistrats contre les organisations mafieuses et leurs complices. Face à ce nouveau rapport de force, la mafia s’adapte et reconquiert les alliances politiques. L’alibi de la lutte contre le communisme qui freinait la répression contre les mafias semble caduc. Les politiques ne sont plus en mesure de garantir l’impunité des mafieux. Les relations-politico-mafieuse semblent entrer dans une nouvelle ère.

Les magistrats profitent de ce vide politique et de la remise en cause de la loi du silence pour infliger des coups sérieux aux organisations mafieuses. La réponse de la mafia se résume à une stratégie terroriste. Par la suite, les victoires étatiques comme la terreur mafieuse ont peut-être laissé place à une nouvelle forme de pacte.

La suite :

1 La notion de changement de République en Italie ne repose pas sur une rupture constitutionnelle comme c’est le cas en France.

La Camorra punit les repentis

Vendredi 2 mai 2008, il est 6 h du matin. Umberto Bidognetti, 69 ans, se rend à la ferme pour travailler quand des deux sicaires tirent 12 coups de pistolet. Nous sommes à Castel Volturno dans la province de Caserta au Nord de Naples. On peut voir la carte de cette province à gauche. Dans la zone de Castel Volturno, le clan des Casalesi régne en maître (voir art. 18 et art. 19).
La victime, Umberto Bidognetti n’est pas connue des services de police et n’a pas de casier judiciaire. Malheureusement pour elle, elle n’est pas hors de la mafia. Premièrement, Le défunt est un cousin de Francesco Bidognetti, un des chefs des Casalesi actuellement en prison. La victime est surtout le père de
Domenico Bidognetti, un élément important du clan des Casalesi qui collabore avec la justice. Non seulement Domnico Bigognetti raconte les secrets du clan à la justice, mais il déclare «  la Camorra est un mal absolu et les camorristes sont simplement des bouffons »

Umberto Bidognetti a, donc, été tué à l’âge de 69 ans parce que son fils est un repenti. Le clan des Casalesi punit le traître en tuant son père. On appelle cela une « victime transversale ». Par ailleurs, les chefs envoient un message à l’intérieur de leur clan pour empêcher d’autres collaborations avec l’Etat.
Déjà, le 9 décembre et le 30 avril, le clan Gionta de Torre Annunziata a fait assassiner les deux frères du collaborateur de justice, Aniello Nasto. A chaque fois, des passants ont été blessés pas balles.
La mafia ne respecte ni les innocents ni les Anciens.
Pas de lutte antimafia sans repentis !
La violence mafieuse est un langage.

Arrestations aux pieds de l’Etna

Photo Bronte

Mardi 25 mars 2008, les carabiniers ont arrêtés 15 personnes appartenant à une cosca, la famille mafieuse sicilienne, qui contrôle une partie du territoire de Bronte, Maletto et Maniace, la partie nord de la province de Catane. La photo à gauche représente une vue panoramique de la ville de Randazzo dans la province de Catane.
La cosca était dirigée par Francesco Montagno Bozzone, lui aussi arrêté. Cette cosca est liée aux familles mafieuses Mazzei-Cargnusi de Catane. Les prévenus sont asccusés d’association mafieuse, d’extortion, de trafic de stupéfiants et de ports d’armes prohibées.
Dans le cadre de cette opération, dénommée « trash », les enquêteurs ont découvert le racket exercé par les mafieux envers des entrepreneurs. Une société, du Nord de l’Italie et spécialisée dans le récolte des déchets, était racketée depuis deux ans. Cette opération avait déjà permis la découverte de deux kilos de marijauna et avait conduit à l’arrestation de quatre personnes.
Reste que la Direction provinciale des enquêtes antimafia (Dda) communique qu’elle a mené cette opération sans l’apport d’aucun collaborateur de justice. Comme si lutter contre la mafia avec l’aide de « repentis » était devenu « impropre ».

Les collaborateurs de justice sont indispensables à l’Antimafia. Sans la collaboration d’un proche de Pasqaule Condello, il semble que ce chef de la ‘Ndrangheta n’aurait pas pu être arrêté (art. 9). Le gouvernement Berliusconi (2001-2006) a limité à 6 mois la recevabilité de leurs témoignages ; une hérésie !
Rendez-vous le 13 avril, les Italiens votent à nouveau.

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