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De la Camorra et des cols blancs

Le 27 février 2008, les carabiniers ont arrêté Ciro Fierro, 24 ans mais déjà un camorriste de haut rang. Il appartient au clan des « sécessionnistes » de la Camorra napolitaine (cf.Les clans de la Camorra en recomposition). Depuis 2005, ce clan se livre à une guerre contre le clan Di Lauro dans le quartier populaire de Secondigliano. Il a été arrêté dans les région des Marche dans le centre de I’Italie sur la carte à gauche. Cependant, Il est difficile de croire que Fiero se mettait au vert. Il se livrait à une opération d’infiltration dans la ville de Civitanova dans la région des Marche. Il était en possession de deux kilos de cocaïne, de 59 000 euros en liquide et de deux pistolets (un calibre 9×21 et un 38 ) dont les deux numéros avaient été limés.

Le 6 mars 2008, les carabiniers du Ros, spécialisés dans l’action contre le crime organisé, ont arrêté trois camorristes de haut rang de la ville de Nola. Parmi eux figurent, Domenico Russo, Giovanni Pandico et Salvatore Russo, le fils du boss déjà emprisonné.

Les carabiniers ont aussi procédé à la saisie de biens pour une valeur estimée à 300 millions d’euros. Certains des biens sont des supermarchés de la marque Deco, des agences immobilières, des terrains, des appartements et des voitures de luxe. Les enquêtes ont mis à jour des comptes bancaires en Italie et en Suisse. Les enquêteurs ont découvert des violations des normes contre le blanchiment de la part des banques de connivence.
En effet, sans la complicité des « cols blancs », la mafia n’existerait pas.


Ps : le calibre 9mmX21 IMI (98 FS) est un calibre « civil » spécifiquement utilisé dans des armes de poing italiennes (Beretta). Cette munition a été développée car les tireurs sportifs italiens n’ont pas accès aux munitions « de guerre » comme le 9mmX19 (9 mm parabellum) qui équipe l’OTAN (ce n’est pas le cas en France ou tout membre de la FFTir remplissant les conditions nécessaires peut acquérir des armes militaires, dans la mesure où elles ne peuvent tirer en rafale) . Les capacités techniques de cette munition sont identiques à celles du 9 mm parabellum, mais ne peuvent être chambrées dans une arme militaire. Tout cela est dû à la « curiosité » de la législation sur les armes en Italie. C’est pour cette raison que l’on ne trouve le 9X21 imi qu’en Italie. Il n’est donc pas surprenant de retrouver cette munitions dans les mains de mafieux (elle a sans doute été dérobée), Rodier (Alain), cf2r.

La vie politique en Campanie

Le rapport des services de renseignement italiens signale que les clans de la Camorra ont encore une très grande capacité à infiltrer les administrations locales. C’est la raison pour laquelle, leur responsabilité est avérée dans la crise de la gestion des déchets (cf. Article Libé)
Au moment où est rendu public le rapport, on apprend que le maire de la petite ville de Cervino a été assassiné.
Giovanni Piscitelli, 52 ans, était infirmier à l’hôpital de Caserta. Il était tête d’une liste de centre gauche. D’après les premières constatations, l’homme a été ligoté et enfermé vivant dans sa voiture avant qu’on n’y mette le feu. Son corps a été retrouvé à moitié carbonisé à côte du véhicule. Les enquêteurs pensent que la victime a pu sortir du coffre mais il était trop tard. Le maire avait des antécédents pénaux pour abus de bien publique. D’après les journalistes de la Repubblica, les relations entre le maire et certains fonctionnaires de la mairie était tendues. Le premier citoyen de la ville avait suspendu certains d’entre eux. Dans la province de Caserta, les administrations d’état sont soumises à de très fortes pressions de la part des clans de la Camorra. Il est difficile de penser que ce meurtre ait eu lieu sans la participation d’un clan et il faut espérer que ce crime ne restera pas impuni.

Les clans de la Camorra en recomposition

carte camorra mafiaDepuis la fin du mois d’octobre 2006, la Camorra, la mafia de la Campanie (Naples et sa région), connaît une recrudescence de violence avec douze assassinats perpétrés en deux mois. Cela porte à soixante-quinze le nombre de meurtres intervenus depuis le début de l’année. A l’image de la France – où une note des Renseignements généraux annonçait des tensions à l’occasion de l’anniversaire des émeutes d’octobre/novembre 2005 – en Italie, le rapport semestriel des services de renseignement envoyé au Parlement faisait état d’un risque de reprise des affrontements entre les différents clans. Si dans le premier cas, les prédictions se sont révélées alarmistes (mais toutes les mesures avaient été prises par les forces de police pour éviter un nouveau déchaînement de violence), dans le deuxième, elles se sont avérées justes.

Le 22 octobre, des tueurs tirent, au milieu de la foule dans le quartier de San Giovanni, à Teduccio et abattent Salvatore Attanasio (37 ans), une personne surveillée par la police. Le même jour, Antonio Invito, un chanteur de 36 ans est assassiné en raison de ses activités de vente de stupéfiants à Acerra, une ville de la grande banlieue Est.

Le 23 octobre, dans un parc au nord de la ville, Umberto Autiero, un jeune homme de 25 ans, est assassiné à son tour.

Le 26 octobre, Ciro De Falco, 42 ans, membre de haut rang du clan De Sena-Di Fiore tombe dans un guet-apens à Acerra.

Le 27 octobre, toujours au milieu de la foule, à Torre del Greco (une ville de la banlieue sud), Luigi Loffredo est abattu.

Le 28 octobre, Patricia Marino, 65 ans, issu d’une famille de la Camorra proche du clan Di Lauro est assassinée. Au nom de la guerre des clans, elle avait déjà perdu son mari, dix ans auparavant, et ses deux enfants, en juin dernier.

Le 30 octobre, une embuscade en plein centre de Naples a raison de Vincenzo Prestigiacomo, gendre d’Umberto Misso, le frère du chef de clan Giuseppe Misso (quartier de la Sanità).

Le 31 octobre, à Torre del Greco, une ville de la banlieue sud, deux repris de justice sont assassinés. L’un d’entre eux, Adriano Cirillo (37 ans) était à peine sorti de prison en raison de la grande politique de remise de peine initiée par le gouvernement Prodi. Il semble que ce meurtre soit la réponse à celui de Luigi Loffredo. Le même jour, à Sant’Antimo, Rodolfo Pacilio (36 ans) est tué très certainement en raison de son activité en tant que propriétaire d’une petite entreprise de location de jeux vidéo.

Le 8 novembre, Pasquale Russo, 41 ans, proche du clan Pianese1 est abattu par des tueurs cachés dans une ambulance volée le 1 er novembre.

Les enquêteurs ont des difficultés à savoir si ces meurtres sont le résultat d’une guerre entre clans ou au sein même d’une entité mafieuse.

Les raisons structurelles

La Camorra est une mafia constituée de clans. Elle n’a jamais réussi à se doter d’une organisation centralisée stable. Des clans
coexistent sur un même territoire, forment parfois des coalitions puis s’entredéchirent. Selon le rapport du premier semestre 2005 de la Direction des enquêtes antimafia, une centaine de clans
contrôlent en grande partie la Campanie. Il y aurait environ 7 000 Camorristes et au moins 50 000 « associés » pour une population de 5,8 millions d’habitants.

La région est divisée en six grandes zones d’influence :

  • la province du Benevento ;
  • la province d’Avellino ;
  • la province de Salerno ;
  • la province de Caserte, fief du clan des Casalesi de Casal di Prinicipe ;
  • la province de Naples : 63 communes sur 92 sont aux mains des Camorristes2 ;
  • la ville de Naples qui compte environ 3 millions d’habitants.

A Naples, l’« Alliance de Secondigliano », du nom des quartiers populaires du Nord de la ville, regroupe les clans Mallardo, Liciardi, Bochetti, Lo Russo, Contini et Di Lauro. Cependant, cette coalition n’est plus stable depuis une sanglante scission survenue dans les années 2004-2005. Les derniers meurtres en sont peut-être la conséquence, en particulier celui de Patricia Marino.

En face, un cartel fait des clans Mazarella-Misso-Sarno domine en partie le centre ville. Il avait déjà remporté une première guerre contre les clans de Secondigliano en 1998. Depuis, un pacte de non-agression avait été conclu. Cependant, il semble que le conflit se soit rallumé, surtout en raison du meurtre d’un membre
de la famille Misso.

Dans un entretien, le procureur en chef du pôle anti-Camorra n’a pas mâché ses mots : « les clans s’entretuent pour le trafic de drogue et en particulier pour celui de la cocaïne ». En vertu de la règle du contrôle de territoire qui régit tout clan mafieux, ils s’entretuent pour obtenir l’exclusivité des points de vente.

D’après une estimation de la Direction centrale du service de lutte contre la drogue dépendant du ministère de l’Intérieur, un chef qui investit un million d’euros en gagne quatre au minimum, et cela, sans même tenir compte de la coupe du produit.

Tous les clans font dans la drogue parce qu’ils disposent de trente ans d’expérience dans l’approvisionnement direct auprès des producteurs de coca (Bolivie, Pérou et Colombie) et auprès des pays tiers que sont le Venezuela, le Brésil et l’Espagne. Avec le démantèlement de la French Connection en 1974, la Cosa nostra sicilienne exporta 90% de l’héroïne aux Etats-Unis jusqu’au milieu des années quatre-vingt. A la fin des années soixante-dix, la Camorra s’engouffra dans la cocaïne. De nos jours, les clans camorristes payent le kilo de cocaïne très pure, de 3 000 à 5 000 euros ce qui est considéré comme un prix très peu élevé.

L’étude de l’âge des personnes assassinées révèle un rajeunissement de la criminalité mafieuse. A côté des vieux boss – décédés ou en prison -, une nouvelle génération de chefs aux méthodes expéditives voit le jour. En outre, d’après la déclaration du repenti Salvatore Puglia – un ancien grand trafiquant de drogue – les
principaux chefs ont changé de stratégie. Ils ne gèrent plus le trafic en première ligne, mais préfèrent encaisser un loyer mensuel entre 2 000 et 3 000 euros.

Le racket change aussi de forme. Avant, « il pizzo » était demandé trois fois par an : à Noêl, à Pâques et à l’Assomption. Désormais les clans veulent un paiement mensuel. Enfin, la frontière est de plus en plus floue entre la Camorra et la criminalité ordinaire, dans la mesure où les clans camorristes tentent de monopoliser le secteur des vols, en particulier à main armée.

La main-d’œuvre est facile à trouver avec un taux de chômage qui atteint 30% de la population napolitaine. Dans certains quartiers, les trois quarts des jeunes sont sans travail. Ces facteurs criminogènes exacerbent vraisemblablement les rivalités et expliquent en partie les meurtres actuels.

O’ Sistema, le « système »

En Calabre, le mot ‘Ndrangheta a toujours été peu utilisé par les mafieux qui préfèrent parler de « società » – la « société » – ce qui en dit long sur le caractère holistique de la mafia calabraise.

A Naples, la Camorra est en train de devenir « il sistema ». Dans cette société qui possède une plèbe unique en Europe, la pauvreté repose sur un système de lutte de tous contre tous. D’aucuns peuvent être contraints à chercher la protection des plus violents. 120 000 personnes très pauvres font face à une minorité de riches qui accumulent des patrimoines sans favoriser le développement et qui font de la politique afin que les rapports sociaux ne changent pas. Les dernières élections municipales en 2006 ont d’ailleurs démontré l’influence camorriste dans certains quartiers. Des témoignages ont fait état de votes achetés par les mafieux au prix de 50 à 70 euros le vote.

Dans les années 1990, l’antimafia avait le vent en poupe, au point que l’ex président de l’ancien Observatoire de la Camorra, Antonio Lamberti, était devenu président de la province Naples. Il avait mis fin à la pratique des parkings abusifs, une spécialité italienne. Mais, il ne put jamais abolir la pratique des vendeurs ambulants illégaux, parce que la Camorra ne le voulait pas. De même, lorsqu’il fit peindre des lignes pour les emplacements du marché, ce sont les employés communaux qui firent capoter ce projet parce que ces derniers se livraient également au commerce illégal.

A Naples comme en Sicile et en Calabre, l’envoi de l’armée ne permet pas d’endiguer le phénomène mafieux. En effet, les politiciens et les fonctionnaires, qui sont censés protéger la population de la corruption, sont souvent les premiers à demander des allocations illégales ou des faveurs illégitimes. Dans ces trois régions, les fonctionnaires sont quatre fois trop nombreux, car les politiques achètent un certain consensus via le clientélisme. En conséquence, les « combines » sont omniprésentes. Par exemple, les pêcheurs de Pozzuoli obtiennent de l’essence détaxée, mais la revendent au marché noir.

Depuis plusieurs années, sous l’influence de la Camorra, « il sistema » étend ainsi son emprise. Les mafieux se dissimulent à peine. Après avoir dérobé un camion de charcuterie, le Camorriste de Pompei, Pasquale Cirillo, publie par voie de presse l’annonce d’une « foire au saucisson ». Pendant une journée entière, des particuliers, des restaurateurs et des commerçants ambulants viennent acheter de la marchandise volée.

De même, dans le secteur de la construction, dès qu’un chantier débute, les inspecteurs de la Camorra demandent aux « O masto », les chefs de travaux, de payer la « taxe ». En cas de refus, les soldats de la Camorra tirent sur les ouvriers et alimentent ainsi la chronique judiciaire.

Ces faits ont été confirmés par le repenti Franco Albin. Il a raconté que dans les collines de Naples, à peine un chantier débutait, des coups de feu étaient tirés à fin d’intimidation. Puis, le propriétaire de l’entreprise responsable du chantier était invité au bar afin de lui expliquer que beaucoup d’« amis à nous » étaient en prison et qu’une somme s’élevant à 5% du marché public conviendrait à assurer sa protection.

Par ailleurs, il a été prouvé que le métro de Naples a été l’objet de négociations entre les habitants, les Camorristes protecteurs, les propriétaires des entreprises du bâtiment et les politiques. Les réunions avaient lieu dans les locaux des administrations et les accords étaient élaborés à l’aide des ordinateurs municipaux.

Le plus grave est le monde la santé où des immenses hôpitaux sont toujours pleins. Les pauvres y meurent et les riches vont se faire soigner dans le Nord ou en Suisse. Des enquêtes de magistrature font état d’une centaine de médecins impliqués dans un trafic de fausses ordonnances3.

Enfin, la Camorra est spécialisée dans le ramassage des ordures et dans le traitement illégal des déchets. Une partie des revenus de « l’Ecomafia » repose sur les millions que lui donne l’administration pour faire enlever les ordures. Or, les entreprises de la Camorra enterrent les déchets en pleine nature dans l’arrière-pays napolitain. Quant aux citoyens du Nord de l’Italie, qui voient les Napolitains comme des « voleurs », ils oublient un peu vite que ce sont les entreprises du Nord
qui pactisent avec les Camorristes pour se débarrasser de leurs déchets toxiques en les enterrant ou en les brûlant.

Plus inquiétant, la relève de l’élite napolitaine semble avoir déjà pris des contacts avec la pègre. Des élèves du lycée le plus huppé de Naples ont conclu un pacte avec des petits caïds qui veulent entrer dans les boîtes de nuits branchées. Le jeune de bonne famille y fait entrer le caïd qui, en échange, passe à tabac un de ses ennemis personnels, une ex-petite amie ou encore un groupe de jeunes gens qui l’importunent. Que se passera-t-il lorsque le premier sera assis sur les bancs du conseil municipal et le second appartiendra à un clan ?


1Dont le chef Nicola Pianese avait été assassiné le 14 septembre dernier.

2Estimation de la DIA, premier semestre 2005.

3La santé est un monde clef pour les mafias : le vice-Président de la région Calabre assassiné l’année dernière était médecin, tout comme son assassin(cf.L’assassinat du vice-président de la régio calabraise : un meurtre politico-mafieux). Le Président de la région Sicile est un médecin accusé de favoriser la mafia et le chef de la mafia sicilienne, Bernardo Provenzano, était protégé – entre autres – par des médecins.

Cosa nostra s’engage-t-elle, à nouveau, sur la voie du terrorisme ?

carte mafia sicileAprès avoir opté pour une stratégie terroriste de 1992 à 1993 sur l’ensemble du territoire italien1, Cosa nostra a subi d’importants effets « boomerang », comme celui de la réaction des autorités2 et celle du phénomène des repentis (cf. 12 janvier 2002, un étudiant et un colloque sur les attentats de 1992-1993). Depuis lors, la mafia sicilienne a opté pour une autre stratégie, celle de « l’invisibilité » sous le commandement symbolique de Bernardo Provenzano « en cavale » depuis 40 ans3. Cependant, des événements récents pourraient conduire à la fin de cette pax mafiosa.

Dans la soirée du 29 octobre 2005, les forces de l’ordre 4 ont arrêté deux membres de la mafia de Gela dans le Sud de la Sicile, parce qu’ils préparaient un attentat contre le juge Ottavio Sferlazza. D’après les enquêteurs, le plan était dans sa phase conclusive puisqu’il était question d’utiliser une grosse quantité d’explosif sur la route Caltanissetta-Gela, empruntée quotidiennement par le magistrat.

Le premier élément d’analyse réside dans l’importance de la cible. Sferlazza était jusqu’il y a peu président de cour d’assise dans de nombreux procès concernant précisément l’assassinat de juges5 . Le plus célèbre demeure celui du massacre de Capaci6 contre le juge Falcone en 1992. Ottavio Sferlazza, est réputé pour sa grande sévérité, car il a condamné de nombreux chefs mafieux, en particulier ceux de Gela. Or, les deux mafieux arrêtés, Salvatore Azzerello (29 ans) et Paolo Palmeri (38 ans7 ), appartiennent au clan Rinzivillo de Gela, ce dernier étant même considéré comme le « gérant » de cette famille mafieuse.

Le magistrat a été placé sous haute protection et des perquisitions sont en cours afin de découvrir quels autres membres de l’organisation ont projeté l’attentat. En outre, l’affaire est suivie de près par la Direction nationale antimafia (DNA)8 , car un élément est particulièrement inquiétant. En effet, le plan a été révélé par un commerçant non connu des services de police qui, après avoir été ruiné par le racket, a été recruté pour préparer l’attentat. Utiliser des personnes extérieures à l’organisation pour commettre un délit mafieux aussi important est une démarche rare et peu sûre. Ces événements en sont la preuve. Ce mode opératoire tend à démontrer qu’il s’agissait d’un acte de vengeance local qui n’avait l’aval de la hiérarchie. Or, la famille Rinzivillo est sous le contrôle du « boss » Piddu Madonia, fidèle allié du chef de Cosa nostra, Bernardo Provenzano, celui la même qui a opté pour une organisation « souterraine ».

Par conséquent, si le clan Rinzivillo a opéré avec « l’autorisation », nous sommes en présence d’un changement de stratégie historique. En revanche, si le clan a agi de sa propre initiative, il a pris le risque de provoquer des tensions au sein même de l’organisation. Les mafias sont caractérisées par la notion de contrôle de territoire. Puisque l’attentat devait avoir lieu entre Caltanissetta et Gela, dans le centre de la Sicile, une région discrète mais à forte densité mafieuse, il fallait l’assentiment des familles sous peine de déclencher une guerre de mafia.

Par ailleurs, cette tentative d’attentat arrive après le meurtre de Maurizio Lo Iacono9 à Particino, à 30 km de Palerme, le 4 octobre 2005. Maurizio Lo Iocono, chef mafieux émergent de 34 ans, récemment sorti de prison, profitait de la crise de la famille de Vito Vitale10 pour étendre son influence. Les enquêteurs pensent logiquement que le clan Vitale a fait tuer l’entreprenant Lo Iacono. Cependant, la victime était un proche de Bernardo Provenzano, ce qui peut faire penser, non pas à un simple règlement de compte, mais à une rupture de l’équilibre qui anime la pax mafiosa des dix dernières années.

Enfin, le 16 octobre 2005, le vice-président de la région Calabre a été assassiné par des hommes de la ‘Ndrangheta, l’organisation criminelle de type mafieux calabraise (cf. L’assassinat du vice-président de la régio calabraise : un meurtre politico-mafieux). Si les deux évènements de Sicile et de Calabre n’ont pas de rapport direct entre eux, ils sont à intégrer dans une réflexion plus large sur le contexte politico-mafieux italien à l’approche des élections législatives d’avril 2006.

Ainsi, en dépit des nombreux succès des forces de l’ordre11 , il semble une fois encore que la partie contre la mafia se joue à Rome.


  • 1Cf. Fabrice Rizzoli, « L’Etat italien face au terrorisme mafieux », Actes du colloque « Etat et terrorisme », Démocraties, 12 janvier 2002, publiés aux éditions Lavauzelle, collection Renseignement et guerre secrète, p. 45.
  • 2Arrestations des principaux chefs corleonais : Salvatore (Toto) Tiina, Leoluca Bagarella, etc.
  • 3Mais qui s’est fait opérer en France l’année dernière.
  • 4Le mandat été émis par le procureur Francesco Messineo, le substitut Roberto Di Natale, les magistrats près la Direction provinciale antimafia Nicolo Marino et Antonino Patti. Les arrestations ont été effectuées par la police de Caltanissetta et de Gela.
  • 5Chinnici, Antonino Saetta et le capitaine de carabiniers Emmanuelle Basile.
  • 6Le 23 mai 1992, entre Palerme et l’aéroport de Punta Raisi, à la hauteur de la ville de Capaci, 550 kilos d’un mélange de TNT et de nitroglycérine caché sous une conduite d’eau souterraine explosait sous la chaussée de l’autoroute !
  • 7Propriétaire d’une entreprise de transport, a déjà été condamné pour extorsion, trafic de cocaïne, d’héroïne et de marijuana.
  • 8La DNA a un nouveau procureur Pietro Grasso et c’est la polémique car le gouvernement Berlusconi a tout fait pour empêcher la nomination d’un autre procureur bien plus expérimenté en la matière : Gian Carlo Caselli, ex-procureur de Palerme.
  • 9Fils de Francesco Lo Iacono, vieux mafieux de premier ordre du capomandamento (canton au sens mafieux) de Particino.
  • 10Vito Vitale est depuis longtemps en prison avec ses frères et ses soeurs dont une (Giusy) est devenue collaboratrice de justice.
  • 11Arrestation de deux chefs, un de Cosa nostra (Umberto di Fazio du clan Santapaola de Catane) et un de la ‘Ndrangheta (Sebastiano Strangio arrêté au Pays-Bas) au mois d’octobre.
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