Articles avec le tag ‘Etat’

Collaborer avec la justice : le choix de vivre

Le 25 mars dernier, sur le marché du quartier San Pasquale de Bari, deux sicaires s’approchent d’Orazio Porro, 53 ans. Ce dernier sort un couteaux mais il est trop tard. Il reçoit trois balles et décède sur le coup. Un clan du centre ville de Bari vient de commettre un acte de « violence programmée » contre un mafieux pris dans ces contradictions. (Voir le cas d’un autre ex-repenti assassiné).
La victime, un mafieux de la Sacra corona unita, la mafia des Pouilles, est un ancien collaborateur de justice, (un mafieux « repenti » protégé par l’Etat). Dans les années quatre-vingt dix, Orazio Porro était le bras droit du boss Guiseppe Cellamare. Tous les deux, acteurs majeurs du trafic de cigarettes transitant par les Balkans. étaient en « cavale » au Monténégro où ils ont été arrêtés.en 1998. Mais avant d’être arrêté, Orazio Porro avait tenté d’assassiner le boss rival et honni Giuseppe De Felice, surnommé « Pinuccio il napoletano ». Pour cette tentative de meurtre, un des soldats d’Orazio Porro fut balafré en prison. Orazio Porro décide, alors, de passer du côté de la légalité. Il témoigne contre son clan au procès. En 2006, la cour d’assise lui retire le droit d’être protégé par l’Etat car ce témoin n’aurait pas tout dit sur un massacre survenu en 1990. Au mois de janvier, de 1990, via Isonzo, trois personnes ont été tuées au cours d’une tentative d’assassinat contre le boss du vieux Bari Antonio Capriati qui s’est servii des trois victimes comme bouclier…). Une fois sorti de prison en 2008, Orazio Porro se serait caché pour se protéger avant de revenir à Bari en 2009. Là, les sources divergent. Soit, il aurait commis une tentative de racket ou bien il aurait été apperçu dans les allées du parquet de Bari, ce qui signifie qu’il voulait être réintégré dans le programme de protection des anciens mafieux (« repentis »).Orazio Porro aurait mieux fait de tout dire. Il serait aujourd’hui, en sécurité, dans une commune du Nord de l’Italie, sous un faux nom et avec sa famille. Depuis 1992, aucun collaborateur de justice sous protection de l’Etat italien n’a été assassiné par la mafia. Orazio Porro aurait pu faire le choix de la vie et de la légalité (Cf. Le « repenti » rétablit l’Etat de droit en Italie ). Ses hésitations lui ont été fatales.
A contrario, l’auteur de l’assassinat de la semaine dernière s’est livré à la police ( Cf. Prison à vie ou exécution sommaire? ). Il a fait le choix de la vie… en prison.
Je dédie cet article à mon frère le « balafré » de Grasse.

La Colompie, les Etats-unis et l’échec de la guerre à la drogue

Le 30 novembre 2007, à l’université de Toulouse II le Mirail (Ecole Doctorale : Temps, Espace, Sociétés, Cultures-Equipe d’accueil : FRAMESPA), Charles Capela a soutenu une thèse de doctorat sur la géopolitique du Plan Colombie et a obtenu la mention très honorable avec les félicitations du jury :

Pré-rapporteurs:

Michèle GUICHARNAUD-TOLLIS, Professeur, Université de Pau et des Pays de l’Adour

Nikita HARWICH, professeur, Université de Paris X-Nanterre

Autres membres du Jury :

Jacques GILARD, Professeur émérite, IPEALT – UTM

Edgardo MANERO, Chercheur CNRS (UMR 5136), FRAMESPA – UTM

Rodolfo DE ROUX (directeur de la thèse), Professeur, Département d’Espagnol – UTM

A la lecture de ce travail, on comprend que la gouvernance de la Colombie est fortement conditionnée par la lutte contre le trafic de drogue et l’aide militaire états-unienne. On en conclu aussi que la prohibition du commerce de la drogue comme les guerres à la drogue menées par les diverses administrations américaines n’ont conduit qu’à des échecs (Un rapport de la Commission constate l’échec total de dix ans de stratégies répressiveshttp://www.rue89.com/droguesnews/2009/03/11/la-guerre-a-la-drogue-a-echoue-cest-leurope-qui-le-dit.). En effet, en dépit des moyens toujours plus importants mis en oeuvre, les quantités de cocaïne exportées n’ont cessé d’augmenté depuis 20 ans (Sources  http://ar2003.emcdda.europa.eu/pdfs/stattab34-en.pdf).

Nous vous proposons ici, un résumé en quatre langues (français, espagnol, anglais et italien) de cette thèse.

PLAN COLOMBIE, NARCOTERRORISME ET GEOPOLITIQUE

L’aide militaire des Etats-Unis à la Colombie. 1998-2002

Cette recherche étudie les enjeux géostratégiques de la composante militaire de l’aide des Etats-Unis au gouvernement colombien du Président Andrés Pastrana, destinée à renforcer l’Etat et à lutter contre le narcotrafic et l’insurrection armée dans le cadre du Plan Colombie. L’internationalisation du traitement répressif de la criminalité organisée liée au trafic de drogue et la réorientation militariste de la stratégie de lutte contre la menace narcoterroriste en Colombie auxquelles aboutit le soutien de Washington s’inscrivirent dans la nouvelle architecture sécuritaire mise en place par la première puissance mondiale pour garantir la stabilité géopolitique de la région andine depuis la fin de la Guerre Froide, dans un contexte de redéfinition des concepts de puissance, de défense et de sécurité. Après avoir rappelé les antécédents historiques, les acteurs et les facteurs de reproduction de la violence en Colombie et de la stratégie géopolitique des Etats-Unis en Amérique latine, ce travail analyse l’influence des intérêts politiques, militaires et économiques sur l’élaboration de l’aide états-unienne au Plan Colombie, et les effets de la mobilisation des moyens militaires contre les menaces asymétriques relatives aux conflits de basse intensité sur la dynamique géopolitique du conflit colombien entre 1998 et 2002. L’échec des négociations de paix entre le gouvernement et les rebelles colombiens, le changement d’Administration aux Etats-Unis et le contexte de guerre contre le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 firent évoluer le soutien états-unien au Plan Colombie d’une aide anti-drogue à la lutte anti-terroriste.

Mots-clés : Colombie / Géopolitique / Narcotrafic / Terrorisme / Etats-Unis / Sécurité

Abstract

PLAN COLOMBIA, NARCOTERRORISM AND GEOPOLITICS

United States of America Military Aid to Colombia. 1998-2002

This study analyses the geostrategic issues of military component of the United States’ assistance to the colombian governement of President Andrés Pastrana in order to strenghen the State and – through the frame of Plan Colombia – to fight against both narcotrafic and armed rebellion. The assistance of Washington has lead to an internationalization of the repressive treatment of the organized criminality linked to the drug trafic and to a military oriented strategy to fight the narcoterrorist threat in Colombia. These two elements were part of the new security architecture developped by the leading world power to guarantee the geopolitic stability of the andean region, within a framework of a redefinition of power, security and defense concepts after the Cold War. After a relation of historic roots, main actors and reproduction factors of violence in Colombia and US geopolitic strategy in Latin America, this thesis focuses on the politic, economic and military interests influence on the definition process of US aid to Plan Colombia, and the effects of the military instruments mobilisation against asymetric threats of Low Intensity Conflicts on the geopolitic dynamics of the war in Colombia between 1998 and 2002. The end of peace negociations between colombian governement and rebels, the arrival of a new Administration in the United States and the context of war against terrorism after 9/11 attacks transformed the US participation to Plan Colombia from counter-drug support to an assistance to fight terrorism.



PLAN COLOMBIA, NARCOTERRORISMO Y GEOPOLITICA

La ayuda militar de Estados Unidos a Colombia. 1998-2002

Esta investigación se enfoca en los objetivos geoestratégicos de la ayuda militar de Estados Unidos al gobierno colombiano del Presidente Andrés Pastrana, destinada a reforzar el Estado y a luchar contre el narcotráfico y la insurrección armada en el marco del Plan Colombia. La internacionalización del tratamiento represivo de la criminalidad organizada vinculada con el tráfico de drogas y la reorientación militarista de la estrategia de lucha contre la amenaza narcoterrorista en Colombie en las que desembocó el apoyo de Washington se inscribieron en la nueva arquitectura securitaria adelantada por la primera potencia mundial para garantizar la estabilidad geopolítica de la región andina desde el fin de la Guerra Fría, en un contexto de redefinición de los conceptos de potencia, defensa y seguridad. Tras haber expuesto los antecedentes históricos, los actores y los factores de reproducción de la violencia en Colombia y de la estrategia geopolítica de Estados Unidos en América latina, el autor analiza la influencia de los intereses políticos, militares y económicos en la elaboración de la ayuda estadounidense al Plan Colombia, así como los efectos de la mobilización de medios militares contre las amenazas asimétricas relativas a los conflictos de baja intensidad sobre la dinámica geopolítica del conflicto colombiano entre los años 1998 y 2002. El fracaso de las negociaciones de paz entre el gobierno y los rebeldes colombianos, el cambio de Administración en Estados Unidos y el contexto de guerra contre el terrorismo instaurado después de los atentados del 11 de septiembre de 2001 tranformaron el apoyo estadounidense al Plan Colombia de una ayuda anti-droga a la lucha contre el terrorismo.

Palabras clave : Colombia / geopolítica / narcotráfico / terrorismo / Estados Unidos / seguridad

Il 30 novembre  2007 all’Università di Tolosa II Le Mirail (Scuola Dottorale : tempi, spazio, società, culture- équipe di accoglienza : FRAMESPA), Charles Capela ha discusso una tesi di dottorato sulla geopolitica del Piano colombiano. Ha ottenuto la tesi con lode e auguri della giuria.

Alla lettura di questo lavoro, si capisce che il governo della Combia è fortemente condizionato dalla lotta contro il narcotraffico e l’aiuto militare statunitense. Ci si conclude anche che la proibizione del commercio della droga quanto le guerre contro la droga svolte dalle diverse amministrazioni americane hanno condotto solo a fallimenti. Infatti, a despito dei mezzi sempre più importanti messi in opera, le quantità di cocaina esportate non hanno smesso di aumentare da 20 anni. (http://ar2003.emcdda.europa.eu/pdfs/stattab34-en.pdf).

Vi proponiamo qui sotto un riassunto della tesi in quattro lingue (francese, spagnolo, inglese e italiano)

PIANO COLOMBIA, NARCOTERRORISMO E GEOPOLITICA

L’aiuto militare degli Stati Uniti alla Colombia. 1998-2002

Questa ricerca studia gli obiettivi geostrategici dell’aiuto militare degli Stati Uniti al governo colombiano del Presidente Andrés Pastrana, il quale è destinato a rinforzare lo Stato ed a lottare contro il narcotraffico e l’insurezione armata nell’ambito del Piano Colombia. L’internazionalizazione del trattamento repressivo della criminalità organizzata legata al trafico della droga e il riorientamento militarista della strategia della lotta contro la minacia narcoterrorista in Colombia ai quali sbocca il sostegno di Washington s’iscrivono nella nuova architettura sicuritaria messa in piazza dalla prima potenza mondiale per guarantire la stabilità geopolitica della regione andinea dalla fine della Guerra fredda,  cio’ in un contesto di ridefinizione di concetti di potere, di difesa e di sicurezza. Dopo aver discusso degli antecedenti storici, degli attori e dei fattori della riproduzione della violenza in Colombia e della strategia geopolitica degli Usa in America latina, l’autore analizza l’influenza degli interessi politici, militari ed economici sull’elaborazione del sostegno americano nel Piano Colombia e gli effetti della mobilitazione dei mezzi militari contro le minacce assimetriche relative ai conflitti di basa intensità sulla dinamica geopolitica del conflitto colombiano tra il 1998 e il 2002. Il fallimento delle negozziazioni di pace tra il governo ed i ribelli colombiani, il cambiamento dell’amministrazione negli Usa e il contesto di guerra contro il terrorismo in seguito agli attentati del 11settembre del 2001 trasformarono il sostegno americano al piano Colombia dall’ aiuto antidroga alla lotta antiterrorista.

Parole chiavi : Colombia / Geopolitica / Narcotraffico / Terrorismo / Stati uniti / Sicurezza

Мафии Италии и международные отношения (russe)

Университет Парижа  I  –  Пантеон-Сорбонна
Докторат политических наук (UFR 11)
Фабрис  Риззоли
Мафии Италии и конец биополярного мира
« Политико-мафиозные » отношения и преступные деяния под прикрытием международных отношений

Защита диссертации проведена под руководством  главы комиссии,  господина президента  Жака Соппельза  22 января 2009 г.
Данной работе присужден особый знак отличия единогласным решением жюри:
Господин профессор Чарльз Зоргбиб
Господин профессор Мишель Кармона
Господин профессор Симон Петерман
Профессор Джузеппе Мути
Михаил Лебедев

Краткое содержание

Ключевые слова: геополитика, Италия, мафия, государственное управление, контроль над территорией, транснациональность, холодная война, глобализация, наркотики, «мафиозная буржуазия»

Упрощение смысла слова « мафия » в средствах массовой информации не позволяет иметь научный подход к этому понятию, которое покрывает несколько сосвем неоднородных реалий. Мафия – это политический актёр, который адаптируется к социально-экономическим изменениям. Мафия имеет суверенитет над конкретной территорией. Основываясь на этом территориальном господстве, она выстраивает и поддерживает систему с помощю насилия и беззакония. Мафия управляет широкой и разветвленной сетью сообщников. Она одушивляет врощенный, но гибкий культурный кодекс и пользуется относительным общественным одобрением со стороны населения. Четыре преступные группировки являются важной темой научных исследований в Италии.

Исследование мафий в более широком контексте истории Италии показало, что они были подлинным инструментом управления этого государства. Во время холодной войны, они были использованы в качестве силы сдерживания коммунизма. В обмен на это, они пользовались безнаказанностью. С окончания коммунистической угрозы, отношения между мафией и политикой вступают в новую эпоху. Загнанная в тупик наступлением юстиции, сицилийская мафия выбрала стратегию терроризма. Нужно было найти новых политических референтов.

С конца существования антагонизма между двумя блоками, усложнение мафиозного феномена было усилено. Теперь они контролируют свою территорию выборами и имеют транснациональный характер. Они воплощают то движение информации, денег, товаров и людей через национальные границы, в котором редко государственное присудствие. Мафии являются основными актёрами интегрированной глобальной экономики и отражают новую реалию. В конечном счете, исследование мафий показывает, что они представляют собой структурные и системичные явления глобализации.

La confiscation : enjeu politique majeur

Les mafias tuent et font de l’argent ; elles sont dans leur rôle. La police arrête les mafieux et la magistrature condamne. Mais que font les politiciens et les fonctionnaires ? Prenons deux exemples :

Le 2 septembre 2008, le tribunal de Santa Maria Capua Vetere a confisqué (à titre définitif) des biens à un entrepreneur spécialisé dans le traitement de déchets et lié au cartel mafieux des Casalesi ( Une victoire de l’Etat contre les Casalesi ). La valeur des biens confisqués avoisine les 78 millions d’euros ! Le patrimoine est constitué de parts de société, d’appartements à Rome et Caserte, d’un complexe hôtelier à Formia et d’argent comptant (20 millions d’euros). Mais que faire de ces biens ? Une loi de 1997 permet à l’Etat de les réutiliser à des fins sociales. Sauf que sur les territoires de la mafia, la volonté politique manque pour faire d’un immeuble appartenant à un mafieux une bibliothèque ( De la saisie à la confiscation; de la mafia à l’Etat? ).

Ainsi, au moins d’août, une note d’information du Ros (groupement des carabiniers spécialisé dans la lutte contre le crime organisé) a donné l’alarme. Elle stipule les graves carences de la part de la province de Reggio en Calabre dans la gestion de biens confisqués à la mafia calabraise. 374 maires, conseillers de la province et fonctionnaires municipaux ont été mis en examen pour avoir omis de réutiliser les biens confisqués à la mafia. Depuis 1996, la majeure partie des 803 immeubles confisqués est en état d’abandon. Ils sont souvent encore à la disposition des anciens propriétaires !

L’impuissance de l’Etat dans le domaine des confiscations renforce le pouvoir des clans. Le mafieux se balade et dit aux gens du village « voyez, avant il y avait un hôtel qui donnait du travail, maintenant c’est en friche, l’Etat vous berne. Le pouvoir c’est moi ».

Témoignage

Chers lecteurs,
Aujourd’hui, je vous propose le témoignage d’un(e) expatrié(e) français(e) qui réagit à la lecture de ce site. »La Sicile est une île curieuse, je l’aime au point de la détester si souvent pour sa mafia par exemple. La mafia est omniprèsente et tolérée par les Siciliens. Pas un jour se passe sans qu’elle ne fasse la une des journaux locaux. C’est banal ! Qui n’a pas eu ou n’aura pas besoin un jour ou l’autre de lui demander un service, une recommnadation. C’est courant ici.

Je vis près de Catane, une petite ville dans le parc de l’Etna, ici on les connait, on les respecte, c’est assez étrange mais les Siciliens qui n’ont aucune confiance dans les institutions prèfèrent s’adresser directement au membre « d’une famille ». Pour les élections municipales de dimanche, un ami m’a confié voter pour une personne qui le lui a demandé uniquement parce qu’il aura besoin de sa « recommandation » dans une affaire familiale…. il y a a quelque semaine, un jeune homme d’un clan (Santapaola peut être, j’ai oublié) qui avait décidé de « repentir » a été assassiné par sa mère et sa soeur afin qu’il ne parle pas. Elles lui ont tendu un piège. Plutôt la mort que le déshonneur. Une vraie tragédie grecque. J’ai parlé de cela avec des Siciliens, qui sans justifier ce crime, le comprenait très bien... »

PS : La phrase clef de ce témoignage est « les Siciliens qui n’ont aucune confiance dans les instritutions »

Au mois de mai, on dit : merci « poulets »!

Bilan des saisies des biens mafieux par les forces de l’ordre au mois de mai 2008 :

La Direction des enquêtes contre les mafias (DIA) de Reggio a saisi des biens dont la valeur avoisine 50 millions d’euros. Ils étaient de
la propriété d’un chef d’entreprise, âgé de 75 ans, installé à Cesena dans le Centre de l’Italie. Ce dernier, originaire de Calabre, était en réalité le « trésorier » du mammasantissima Pasquale Condello arrêté au mois de mars dernier (
art. 9).
La DIA a fait de même (pour un million d’euros) à la famille Crea de Rizziconi (reportage Arte). Parmi les biens figure un appartement de luxe à Rome.
Déjà au mois de juillet 2007, la magistrature avait saisi pour 47 millions d’euros de valeurs à cette même ‘ndrine.
La DIA de Reggio a confisqué définitivement les biens (2 750 000 euros) de deux affiliés de la ‘ndrine Libri qui domine le quartier de San Giorgio Extra de Reggio en Calabre.
Le tribunal de Catanzaro a fait saisir pour 6 millions de biens à la ‘ndrine calabraise La Rosa qui sévit à Tropea. La gardes des finances a, par exemple, mis sous séquestre une structure hôtelière de plus de 6000 mètres carrés.
La DIA a confisqué de manière définitive des biens évalués à plus d’un million et demi d’euros à l’avocat Raffaele Bevilacqua, capomafia d’Enna en Sicile (art. 60).
Enfin, les carabiniers ont procédé à la saisie de 2 millions de biens au clan Telegrafo. Ce clan, de la Sacra corona unita, sévit à Bari dans la région des Pouilles. Au mois de février dernier, la police a arrêté 24 membres du clan Telegrafo suite à des écoutes téléphoniques. Les jeunes recrues faisaient état de leur volonté de faire « les kamikazes pour sauvegarder le clan » ! Les forces de l’ordre étaient contraintes à intervenir.

A peine 3% des biens appartenant à des mafieux sont confisqués définitivement par l’Etat italien. On
peut saluer la ténacité des policers et des magistrats. A l’image de cet article, leur métier, répétifif, semble sans fin.

« La magistrature ne sert à rien! »

Le 29 février 2008, Giuseppe Riina a été libéré de prison. La photo à gauche représente Giuseppe Riina quittant la prison de Sulmona dans la région des Abruzze.
Celui-ci n’est autre que le troisième fils de Salvatore, Toto Riina, le chef de la mafia sicilienne de 1983 à 1993 (cf.Toto Riina commande la mafia sicilienne de sa cellule!).

Au cours des années 2000, les policiers avaient placé des micros dans la voiture du jeune Riina. L’étude des enregistrements ne laissait planer aucun doute. Giuseppe Riina tentait de reprendre en main une « cosca », un clan mafieux. En 2004, il avait été condamné en première instance pour association mafieuse. Depuis, Giuseppe Riina attendait le procès d’appel. Parce que les termes légaux de sa détention provisoire étaient dépassées, et conformément aux règles de droits, la Cour de cassation l’a libéré. Giuseppe Riina est, certes, interdit de séjour à Palerme. Il doit, certes, signer au commissariat les lundi, mercredi et vendredi. Il n’a, certes, pas le droit de fréquenter d’autres personnes déjà condamnées par la justice. Il n’a pas, non plus, le droit de sortir entre 20 heure le soir et 7 heure du matin. 

L’ensemble de ces mesures n’a jamais empêché un mafieux d’exercer ses prérogatives. En se rendant au commissariat, il ridiculise l’Etat incapable de le priver de liberté. Puis, Giuseppe Riina compte faire condamner l’Italie par la Cour européenne des droits de l’homme pour la longueur de son procès. Et, comme nous vivons dans des Etats de droit; le fils de plus sangunaire des parrains va gagner.

L’Etat itatlien boira, alors, le calice jusqu’à la lie; se décrédibilisant auprès d’une population sicilienne souvent fataliste.          
Le procureur national antimafia, Piero Grasso ne s’y est pas trompé en affirmant qu’en Italie, « les magistrats ne servent à rien ». Dans ce pays, les forces de l’ordre font un travail remarquable pour arrêter les mafieux. Cependant, la justice italienne, lente et empêchée par les politiques, n’arrive pas à mettre les mafieux hors d’état de nuire. 

L’impuissance relative de la justice est le principal allié des mafias italiennes.

De la saisie à la confiscation; de la mafia à l’Etat?

palmi mafiaCette semaine, la compagnie de la Garde des finances de Palmi, dans la province de Reggio (sur la carte à gauche), a saisi et confisqué des biens appartenant à la ‘ndrine Romola. Cette famille mafieuse serait liée à la ‘ndrine Parrello. A Palmi, sur la côte ionniene dans le golf de Gioia, les ’ndrines Parrello et Gallico  (cf.Pâques en Calabre) se disputent la leadership du locale de Palmi. Le locale est une circonscription mafieuse en Calabre.

La confiscation, c’est à dire la saisie définitive, concerne un immeuble en front de mer et une importante entreprise de réparation de bateaux. L’ensemble de ces biens est estimé à 300 000 euros. La valeur des saisies provisoires s’élèvent à 1 millions d’euros Chaque année, les forces de l’ordre saisissent 7% des biens mafieux. La confiscation définitive est estimée à seulement 3%. Enfin, la réutilisation de ces biens posent de grandes difficultés à l’Etat italien. Dans le cas présent, que faire de l’entreprise nautique si personne n’ose reprendre activité commerciale? La réutilisation de biens mafieux est une arme capitale dans la lutte contre les mafias. La confiscation fait reculer l’impunité à condition qu’il y ait une volonté politique de réutiliser le bien. La spécialité des politiciens complices de la mafia est de laisser dépérir le bien saisi. La population se rend compte alors que l’Etat est impuissant et elle se plie au pouvoir de la famille mafieuse…

La vie politique en Campanie

Le rapport des services de renseignement italiens signale que les clans de la Camorra ont encore une très grande capacité à infiltrer les administrations locales. C’est la raison pour laquelle, leur responsabilité est avérée dans la crise de la gestion des déchets (cf. Article Libé)
Au moment où est rendu public le rapport, on apprend que le maire de la petite ville de Cervino a été assassiné.
Giovanni Piscitelli, 52 ans, était infirmier à l’hôpital de Caserta. Il était tête d’une liste de centre gauche. D’après les premières constatations, l’homme a été ligoté et enfermé vivant dans sa voiture avant qu’on n’y mette le feu. Son corps a été retrouvé à moitié carbonisé à côte du véhicule. Les enquêteurs pensent que la victime a pu sortir du coffre mais il était trop tard. Le maire avait des antécédents pénaux pour abus de bien publique. D’après les journalistes de la Repubblica, les relations entre le maire et certains fonctionnaires de la mairie était tendues. Le premier citoyen de la ville avait suspendu certains d’entre eux. Dans la province de Caserta, les administrations d’état sont soumises à de très fortes pressions de la part des clans de la Camorra. Il est difficile de penser que ce meurtre ait eu lieu sans la participation d’un clan et il faut espérer que ce crime ne restera pas impuni.

Cosa nostra sicilienne : la succession du  » capo dei capi « 

carte cosa nostra mafiaAlain Rodier et Fabrice Rizzoli

En Sicile, la réalité dépasse la fiction. La mafia locale, Cosa nostra, dispute la suprématie de l’île au pouvoir italien. Quoiqu’en disent certains, le monde politico-économique local est largement gangrené par la mafia. La justice et les forces de sécurité font ce qu’elles peuvent, mais elles sont surclassées par la puissance financière que représente Cosa nostra. Cette richesse lui permet de corrompre de nombreux fonctionnaires et certains hommes politiques. Ce qui lui permet d’agir en impunité et d’accumuler encore plus de capitaux.

Le 11 avril 2006, Bernardo Provenzano, le chef de la mafia sicilienne, est arrêté à proximité de son village natal, Corleone, à 80 km au Sud de Palerme. Il était en fuite depuis 1963 et avait pris la tête de la Coupole, l’organe dirigeant de Cosa nostra après l’arrestation de son prédécesseur Salvatore « Toto » Riina. Riina a été condamné à la prison à vie pour sa responsabilité dans quelques 300 homicides. Provenzano ne sera jugé que pour 127 meurtres ! Il a d’ailleurs été condamné par contumace à dix fois la perpétuité. Et pourtant, il est considéré comme celui qui a choisi la « stratégie de l’immersion », c’est-à-dire d’une plus grande discrétion des activités mafieuses, en particulier, la fin des attaques dirigées contre les représentants de l’Etat. Provenzano avait prôné une « Pax mafiosa », demandant aux différentes familles de ne pas se livrer à des violences visibles. Il était aussi l’artisan d’une récolte plus souple de l’impôt mafieux. Son credo était « qu’il payent moins mais qu’ils payent tous ». Pendant toutes ces années de cavale, Provenzano n’a quitté la Sicile que très rarement, en particulier fin 2003, pour se faire soigner de la prostate dans une clinique de Marseille.

La direction « transitoire » de Cosa Nostra

Depuis son arrestation, le problème de sa succession à la tête de Cosa Nostra se pose. Selon le procureur national anti-mafia Piero Grasso, un triumvirat dirige actuellement l’organisation sicilienne : Matteo Messina Denaro, Salvatore Lo Piccolo et Dommenico Racuglia.

Matteo Messina Denaro est né le 26 avril 1962, à Castelvetrano, dans l’Ouest de la Sicile. Il contrôle la province de Trapani et entretient des liens étroits avec les cartels sud-américains. Il aurait ses entrées au Venezuela qui devient, avec le Mexique, un carrefour incontournable pour la coca colombienne. Il est associé depuis le début des années 1990 avec les familles Cuntrera et Caruana, originaires de Siculiana et établies aux Etats-Unis. Denaro a été condamné à la prison à vie pour des attentats à la bombe survenus en 1993 à Rome, à Florence et à Milan, ayant fait 10 morts. Le but de cette campagne terroriste menée par Salvatore Riina, était d’assouplir les conditions de détention des chefs de Cosa Nostra incarcérés. Depuis 1993, Denaro échappe aux forces de sécurité italiennes. Il entretenait les meilleurs rapports avec Toto Riina puis avec Provenzano et il rendait des comptes à ce dernier en lui adressant des pizzini1.

– Salvatore Lo Piccolo est né en 1943. Il contrôle la grande majorité des quartiers nord de Palerme, qui sont les plus peuplés et considérés comme des bastions historiques de la mafia. D’après la Direction des enquêtes antimafia (DIA), Lo Piccolo a étendu son influence à l’ouest de Palerme dans les villes de Carini, Cinisi et Terrasini2. Il disposerait, en outre, d’alliances solides dans les villes de Mistretta et de Tortorici comme dans une partie de Messine. Jugé comme l’homme qui a le plus d’expérience, il a toujours privilégié la diplomatie à la violence. Il a bâti sa fortune sur le trafic de cocaïne, l’extorsion de fonds et l’attribution de contrats de génie civil. Il vit dans la clandestinité depuis 1983.

Son fils Sandro, né en février 1975, aurait déjà au moins deux meurtres à son actif. A la différence de son père, bien qu’également en cavale, il serait très voyant, aimant le luxe, les femmes et la belle vie.

Les Lo Piccolo sont connus pour entretenir d’excellentes relations avec « la » Cosa Nostra, la mafia italo-américaine. Salvatore Lo Piccolo a organisé le retour en Sicile de la famille Inzerillo, qui vivait en exil aux Etats-Unis depuis la victoire des Corléonais en 1982. L’expansion des Lo Piccolo et le retour des perdants de la grande guerre des mafias a suscité de fortes tensions au sein de Cosa Nostra en Sicile. Antonino Cina, Antonino Rotolo et Franco Bonura – une triade de mafieux qui assistaient Provenzano – ont été appréhendés en juin 2006 lors d’une opération de police baptisée « Ghotta ». Ils projetaient de faire exécuter les Lo Piccolo. Ces trois proches de Provenzano étaient déjà rivaux des Lo Piccolo avant même l’arrestation de ce dernier.

Domenico Raccuglia, né le 27 octobre 1964, est le chef du mandamento de Corleone. Ce canton mafieux regroupe les communes de Corleone, Altofonte, San Giuseppe Jato et Partinico dans l’arrière pays de Palerme. Il est en fuite depuis 1996 et recherché pour meurtres, conspiration mafieuse, attaques à main armée et extorsion de fonds.

La reprise des affrontements internes

Pour le moment, la violence semble encore contenue. La « concurrence » ayant été éliminée par les forces de police qui ont incarcéré un nombre impressionnant de chefs de familles. Mais il n’est pas dit que l’avenir demeure aussi calme et certains prédisent des guerres de clans. Dans ce petit jeu, les Palermitains semblent actuellement les mieux placés parce que la mafia sicilienne, c’est Palerme ! La tentative d’assassinat de la triade proche de Provenzano envers les Lo Piccolo semble en être la démonstration.

Dès à présent, des indices laissent penser qu’une guerre interne a débuté. Ainsi, le 16 juin 2007, Nicolo Ingarao – le « régent » de la famille de Porta Nuova, un quartier de Palerme – a été assassiné par deux hommes à moto qui lui ont logé six balles dans le corps. Ingarao était un proche de la triade Bonura-Cina-Rotolo. Il semble que son assassinat ait été commandité par Salvatore Lo Piccolo. La personnalité, le rang de la victime et le fait qu’il s’agit du deuxième meurtre de type professionnel qui survient en trois jours à Palerme inquiètent les autorités.

Le rôle de la bourgeoisie mafieuse en Sicile

Il ne faut pas analyser Cosa Nostra uniquement sous son angle « militaire ». En effet, la Sicile est en proie à une
« bourgeoisie mafieuse ». Selon le sociologue Umberto Santino – considéré comme l’un des plus grands spécialistes de la mafia – le phénomène mafieux est un paradigme de la complexité socio-criminelle. « Le mot mafia définit les organisations criminelles qui agissent au sein d’un vaste réseau de relations. Ces organisations élaborent un système qui repose sur la violence et l’inégalité afin d’accumuler des capitaux et du pouvoir. Elles usent d’un code culturel et jouissent d’un relatif consensus social. Le système relationnel mafieux est composé de rapports de parenté, d’amitié, d’intérêt, de contiguïté et de complicité. Ce réseau s’affirme dans des conditions de développement comme de sous-développement économique. Ces relations composent un corps social hiérarchiquement organisé. Les catégories sociales les plus pauvres représentent le bassin de recrutement de la main-d’œuvre pour les mafias. Les sommets de l’organisation mafieuse sont capables de sceller un pactum sceleris avec les plus hautes sphères du pouvoir politique et économique, la haute société »3. Le tout forme un club privé que le sociologue palermitain qualifiede « bourgeoisie mafieuse ».

Par exemple, la ville de Corleone – qui fut popularisée par le film Le Parrain et qui dépend des compétences de Raccuglia – est actuellement aux mains des frères Lo Bue. La tante de ces derniers n’est autre que la compagne de Provenzano. Dans la plus pure des traditions mafieuses, les frères Lo Bue étaient les gardiens des terres de Giuseppe Provenzano4, le président de la région Sicile de 1996 à 2001. En 2001, à peine élu maire de Corleone, Ciccio Nicolosi, désignait l’avocat de Toto Riina  comme adjoint chargé de la culture et du tourisme.

A l’issue des élections du 28 mai 2006, Salvatore Cuffaro a conservé la présidence de la région Sicile avec 52,2% des suffrages exprimés. Cuffaro appartient à l’UDC, un parti du centre – issu de l‘ancien Démocratie chrétienne – qui fait partie de la coalition dirigée par Silvio Berlusconi. Son adversaire principal, Rita Borsellino5, obtient pour sa part 42,96% des voix. Or, Cuffaro était soupçonné par les autorités judiciaires d’entretenir des « connivences » avec Cosa nostra ! Il est d’ailleurs sous le coup de trois mises en examen, mais il semble que cela ne nuise pas à sa carrière politique. Il est de notoriété publique que de nombreux candidats sont élus avec les voix de la mafia sicilienne.

Cosa nostra est riche et prospère. Même si le projet pharaonique d’un pont reliant la Sicile à la péninsule italienne a été abandonné par l’administration Prodi, d’autres chantiers immobiliers vont se développer dans l’avenir. Les nombreux incendies criminels qui ont eu lieu cet été sur l’île semblent d’ailleurs avoir été déclenchés avec trop de coordination pour n’être que le fait d’incendiaires amateurs. Beaucoup y voient la main de Cosa Nostra qui a ainsi travaillé au profit de promoteurs immobiliers rencontrant des problèmes d’expropriation avec quelques petits propriétaires terriens. Par ailleurs, on assiste à une recrudescence des actes d’intimidation envers les commerçants siciliens. La « diplomatie » Provenzano est bien caduque. Il est donc logique de penser que la situation va perdurer, même si certains chefs d’entreprises se révoltent contre le pizzo (racket) à grands renforts de publicité.


1 Petits morceaux de papier roulés en boule contenant des messages chiffrés qu’utilisait Provenzano pour communiquer avec son organisation.

2 Rapport DIA, deuxième semestre 2006.

3 Santino (Umberto) : La mafia interprétée, Dilemmes, stéréotypes, paradigmes, Rubbettino, Soveria Manelli 1995, pp 145 ss.

4 Aucun lien de parenté avec Bernardo Provenzano.

5 La sœur du juge antimafia Paolo Borsellino assassiné par Cosa nostra, le 19 juillet 1992.

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