Articles avec le tag ‘clandestinité’

Le mafieux, ce grand communicant

Le 5 novembre 2008, les carabiniers ont mis fin à la cavale de deux chefs d’une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Il est deux heures de matin, les issues sont sous contrôle quand les militaires font irruption dans une petite maison de campagne dans la forêt de Sila.
Les chefs n’étaient pas armés, n’avaient pas de téléphone mobile, ni de voiture. Le réseau logistique de complicités fonctionnait parfaitement. Cataldo Marincola (47 ans) et Silvio Farao (60 ans) sont deux leaders du « locale », l’unité administrative dans la mafia calabraise, dans la zone Cirò, un bourg au nord de Crotone (carte à gauche).
Les deux mafieux ont choisi la clandestinité parce qu’ils craignaient que la Cour de cassation les condamne à la prison à vie. Pourquoi prendre le risque de se faire arrêter à deux ? Et pourquoi féliciter les Carabiniers venus les mettre en prison ?
Les mafieux sont des grands communicants. Il s’agit de faire passer un message, celui de l’unité, à toutes les familles de la zone. En effet, le 26 septembre dernier, un membre du clan a été assassiné en Lombardie ( Exécution mafieuse en Lombardie ). Le bruit courait qu’il y avait une guerre au sein de la ’ndrine. Il n’en est donc rien.
De plus, féliciter les carabiniers revient à envoyer un mot d’ordre à tous les soldats : « on ne touche pas aux institutions ». Les arrestations et la prison font partie du jeu.

Seule prime la continuité des affaires : (Epargne mafieuse et leçon de capitalisme )

Bonne nuit Graziella

Voir "violence" et "latitanza" dans le Petit dictionnaire énervé de la mafiaLe 18 mars, La Cour d’assise d’appel a confirmé la condamnation à vie des mafieux Gerlano Alberti (Jr) et Giovanni Sutera. En 1987, ces derniers avaient assassiné Graziella Campagna, 17 ans. La photo à gauche la représente peu de temps avant son décès. L’Etat italien a mis six ans à lui rendre justice. La mafia n’est pas le seul acteur de la société à avoir porté atteinte à cette jeune femme.

Les faits :
Un jour de décembre de 1985, la jeune femme travaillait dans une blanchisserie. Dans la poche d’une chemise, elle découvre des documents compromettant la « latitanza », la cavale, de Gerlando Alberti dans la région de Messine. Alberti était un chef mafieux très puissant. Il fit assassiner la jeune femme de cinq coups de fusil de chasse, lui défigurant volontairement le visage.

La mafia parle à la population :
La mise en scène de la cruauté constituaient un avertissement contre toutes personnes ayant des velléités de citoyenneté.

Graziella a été tué quatre fois :

  • Une première fois par Cosa nostra le 12 décembre 1985.
  • Une seconde fois par l’Etat italien. Après ce meurtre, ni les institutions ni la presse, n’ont cherché à résoudre ce crime odieux. Il semble que la région de Messine était un lieu de repli pour les trois mafias italiennes. Des complicités au sein des institutions ont passé leur temps à commettre des actes de « dépistages », terme italien pour indiquer l’altération des preuves et le conditionnement de la justice pour empêcher la manifestation de la vérité. L’enquête n’a été réouverte qu’en 1997; grâce à l’obstination du frère de la victime.
  • Un troisième fois par la justice « escargot » italienne. En 2006, les prévenus avaient été libérés parce que les délais légaux de leur détention provisoire étaient dépassés (comme dans le cas de Giuseppe Riina, cf. art. 14).
  • Une quatrième fois par le ministre de la justice. Au mois de novembre 2007, Clemente Mastella avait reporté la diffusion d’un téléfilm racontant l’histoire de Graziella. D’après lui, cette fiction télévisée conditionnait la bonne marche du procès en cours. Comment la vie d’une jeune femme de 17 ans aurait-elle pu altérer le principe d’un procès juste et équitable? Les mafieux n’ont-ils pas disposé des meilleurs avocats et de ressources économiques colossales pour assurer leur défense? Nous remarquerons que le ministre de la justice italienne raisonne comme les mafieux (cf. art. 18). Dans une autre affaire, des mafieux, par le bais de leurs avocats, ont attaqué le journaliste Saviano, considérant que ses articles conditionnaient leur procès!

Enfin, Clemente Mastella est le sénateur qui a fait chuter le gouvernement de centre-gauche au mois de janvier dernier. L’ancien ministre de la justice, mis en examen pour des délits de fraude, ne se sentait pas soutenu par ses camarades politiques. Si, comme les sondages le signalent, Silvio Berlusconi est élu au mois d’avril, Clemente Mastella aura contribué activement à remettre au pouvoir un homme politique dont la carrière doit beaucoup à la mafia (Na n°35 cf2r.org ).

Graziella a été assassiné quatre fois parce que les personnes chargées de lui rendre justice n’ont pas accompli leur mission. Elles ont assuré 23 ans d’impunité à la mafia et ont renforcé son pouvoir.

De la Camorra et des cols blancs

Le 27 février 2008, les carabiniers ont arrêté Ciro Fierro, 24 ans mais déjà un camorriste de haut rang. Il appartient au clan des « sécessionnistes » de la Camorra napolitaine (cf.Les clans de la Camorra en recomposition). Depuis 2005, ce clan se livre à une guerre contre le clan Di Lauro dans le quartier populaire de Secondigliano. Il a été arrêté dans les région des Marche dans le centre de I’Italie sur la carte à gauche. Cependant, Il est difficile de croire que Fiero se mettait au vert. Il se livrait à une opération d’infiltration dans la ville de Civitanova dans la région des Marche. Il était en possession de deux kilos de cocaïne, de 59 000 euros en liquide et de deux pistolets (un calibre 9×21 et un 38 ) dont les deux numéros avaient été limés.

Le 6 mars 2008, les carabiniers du Ros, spécialisés dans l’action contre le crime organisé, ont arrêté trois camorristes de haut rang de la ville de Nola. Parmi eux figurent, Domenico Russo, Giovanni Pandico et Salvatore Russo, le fils du boss déjà emprisonné.

Les carabiniers ont aussi procédé à la saisie de biens pour une valeur estimée à 300 millions d’euros. Certains des biens sont des supermarchés de la marque Deco, des agences immobilières, des terrains, des appartements et des voitures de luxe. Les enquêtes ont mis à jour des comptes bancaires en Italie et en Suisse. Les enquêteurs ont découvert des violations des normes contre le blanchiment de la part des banques de connivence.
En effet, sans la complicité des « cols blancs », la mafia n’existerait pas.


Ps : le calibre 9mmX21 IMI (98 FS) est un calibre « civil » spécifiquement utilisé dans des armes de poing italiennes (Beretta). Cette munition a été développée car les tireurs sportifs italiens n’ont pas accès aux munitions « de guerre » comme le 9mmX19 (9 mm parabellum) qui équipe l’OTAN (ce n’est pas le cas en France ou tout membre de la FFTir remplissant les conditions nécessaires peut acquérir des armes militaires, dans la mesure où elles ne peuvent tirer en rafale) . Les capacités techniques de cette munition sont identiques à celles du 9 mm parabellum, mais ne peuvent être chambrées dans une arme militaire. Tout cela est dû à la « curiosité » de la législation sur les armes en Italie. C’est pour cette raison que l’on ne trouve le 9X21 imi qu’en Italie. Il n’est donc pas surprenant de retrouver cette munitions dans les mains de mafieux (elle a sans doute été dérobée), Rodier (Alain), cf2r.
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